« Tu vas rester sur la touche si tu bouges trop lentement
C’est la course, on a tous du mal à suivre le changement
Pour suivre le mouvement, c’est du taf à plein temps
J’suis en retard, toujours en retard, j’suis en retard, en retard » Orelsan
Dans une société où tout va de plus en plus vite, “il faut” se tenir au courant de ce qui se passe pour rester dans le mouvement.
Il faut avoir un avis sur tout, tranché si possible, et le partager bien sûr.
Le droit de s'en foutre
Déjà, avant même d’aller plus loin, j’aimerais préciser un truc :
On a le droit de s’en foutre.
Il est des sujets dont je me moque éperdument et sur lesquels je n’ai pas envie de creuser.
Forcément, je n’ai pas d’avis, je ne vais pas m’en inventer un pour bien paraître en société.
Le hic c’est que la plupart des gens confondent leur opinion avec ce qu’ils ont entendu dans divers médias.
Plusieurs raisons à ça :
1/ Dans une société dominée par l’instantanéité, on se gorge de contenu sans prendre le temps de le digérer, de le maturer, de le penser.
Je n’aime pas le vin, mais le bon vin est un vin qui a vieilli en fut de chêne, développé des arômes, bien après le processus de vinification. Il repose tranquillement dans son fut et il s’enrichit.
2/ Les mêmes sources, financées par les mêmes groupes, diffusent les mêmes messages en boucle.
Ca donne l’impression d’une différence, d’une pluralité d’opinions. Que dalle.
La plupart des gens sont dans un avis blanc ou noir. Ils ont entendu les 2 côtés de la pièce et s’associent l’un des deux clans.
3/ Les gens ne forment pas leur opinion personnelle, ils ne font que répéter ce qu’ils ont entendu. En tout cas ceux qui n’ont aucun esprit critique et aucune présence à soi.
Cela façonne l’opinion publique, façonnée avec minutie par les cabinets de “spin doctors” dans les cabinets experts en ingénierie sociale, type McKinsey.
La pensée pondérée
Développer une véritable pensée sur un sujet, ça demande de la ressource : principalement du temps et de l’énergie.
Forcément, on le fait si on en a envie.
Ca demande de faire passer toutes les informations par le filtre de notre néocortex.
Et le coco, il consomme de l’énergie à gogo !
Regarder les sources de l’information, la qualité de l’information, aller chercher plusieurs sources pour les recouper, synthétiser…
Puis faire passer dans le filtre de notre vécu personnel…
Tout cela ne peut pas donner un avis brut, tranché, 100% noir ou blanc. Celui-ci serait purement limbique, avec les gentils et les méchants.
C’est la pensée pondérée : on parle d’un sujet avec des nuances, avec beaucoup de mesure et de réflexion.
Comme toute personne qui maîtrise vraiment son sujet, d’ailleurs.
De là naît un véritable dialogue, un échange enrichissant pour les deux partis, et pas un débat stérile où chacun cherche à vendre sa vision du monde.
En fait je sais pas
Avoir un point de vue définitif et unidimensionnel est une volonté limbique, motivée par un désir émotionnel.
La pensée pondérée étant qualitative, elle a un coût. On peut donc appréhender les multiples points de vue qui existent sur un bout de la réalité, en discuter, les confronter, sans nécessairement en choisir un.
Longtemps dans ma vie j’ai voulu avoir un avis sur tout.
Maintenant je peux me contenter d’un “au fond, j’en sais rien” qui soulage tellement !
Au vu de l’énergie que ça coûte de se forger une opinion construite sur un sujet/une situation, si on a pas pris le temps de creuser et qu’on nous demande notre avis, on peut aussi dire : “en vrai je m’en fous/je n’ai pas d’avis/je n’en sais rien.”
L’esprit humain est souvent mal à l’aise à assumer cette incertitude, cette absence de réponse.
Ca le met à poil, ça exhibe ce qui se cache sous la surface et souvent, on ne veut pas !
Et si la prochaine fois, on s’autorisait à ne pas avoir d’avis pour explorer l’ignorance ?
“La seule chose que je sais, c’est que je ne sais rien” comme disait l’autre.