Le kiné est dans le cœur de tous les Français.
Derrière ce professionnel de santé, on retrouve des personnes dévouées et passionnées.
Cependant, une grande partie de la profession est également en souffrance depuis plusieurs années…
Dans cet article, tu vas découvrir l’envers du décor du métier de kiné… Actuellement, il doit devenir un véritable « demi-dieu », comme le célèbre Hercule, pour s’en sortir…
Si tu lis cet article, c’est peut-être que tu es kiné. Dans ce cas, tu vas découvrir pourquoi tu es un demi-dieu qui s’ignore !
De Hercule au kiné…
Hercule est l’un des héros les plus célèbres de la mythologie grecque. Sa vie a été rythmée par les caprices des Dieux, de son enfance jusqu’à sa mort. Il est connu pour ses célèbres 12 travaux.
Ils ont été imposés par Eurysthée, afin de le laver du crime involontaire de ses trois enfants, lorsqu’il était sous l’emprise d’une manipulation magique d’Athéna.
Eurysthée fit le choix de travaux qu’aucun homme normal n’aurait été capable d’accomplir. Mais Hercule a réussi l’exploit de venir à bout de toutes ses épreuves :
- Tuer le lion de Némée
- Tuer l’hydre de Lerne
- Capturer le sanglier d’Érymanthe
- Capturer la biche de Cérynie
- Faire fuir les oiseaux du lac de Stymphale
- Capturer le taureau du roi de Crête
- Capturer les juments de Diomède
- Dérober la ceinture d’Hippolyte
- Nettoyer les écuries d’Augias
- Capturer les bœufs de Géryon
- Dérober les pommes d’or du jardin des Hespérides
- Dompter et ramener le chien Cerbère
Dans notre belle France, on retrouve une profession qui a aussi ses 12 travaux herculéens : le kinésithérapeute.
Sur le papier, il est le spécialiste du traitement des troubles du mouvement et de la motricité, mais aussi des déficiences ou des altérations des capacités fonctionnelles.
Dans les faits, le kiné a beaucoup plus de choses à gérer… et à subir !
Dans cet article, tu vas découvrir les 12 travaux de ce demi-dieu du système de santé français. Ces travaux sont à l’origine de la détresse de la profession depuis plusieurs années…
Travaux herculéens du kiné I: Tuer l’hydre de la paperasse
Hercule a tué l’Hydre de Lerne… le kiné lui doit tuer “l’Hydre de la paperasse”.
Il faut bien avouer que le papier pousse et repousse partout dans la vie du kinésithérapeute…
(Comme les têtes de l’hydre qui repoussent quand elles se font trancher…)
Le papier commence à envahir la vie du kiné durant ses études… Pour obtenir le Graal du “DE” (Diplôme d’État), il va affronter l’anatomie, les cas cliniques, les évaluations… durant 5 longues années. Bref, beaucoup de papiers (notes, copies, livres…).
Une fois les études terminées, le combat du kiné avec le papier ne fait que commencer. Ce dernier va ensuite l’envahir dans toute son activité :
- Le drap d’examen (dont la cadence de consommation épuise une bonne partie de la forêt Amazonienne).
- Le sopalin (dont le stock s’épuise aussi vite que les piles d’un mauvais jouet made in China)
- Le PQ (les patients adorent les cabinets… du cabinet)
- Les papiers d’impression (pouvoir imprimer les derniers RSP est toujours une loterie…)
- Les enveloppes (le kiné pourra amener les siennes heureusement…)
- L’injustice du tiers payant, qui génère beaucoup de paperasse
- Les scans, aussi réguliers que les va-et-vient des patients dans le cabinet…
- Les cahiers de transmissions entre collègues et les agendas papiers (déjà plein…)
- Et enfin, la paperasse administrative : URSSAF, SÉCU, Carpimko, Ordre départemental, gestion du cabinet, factures, commandes…
L’Hydre du papier est donc constamment en embuscade derrière le kiné.
Certains kinés ont la chance d’avoir un secrétariat. Cependant, si la secrétaire tient la route et n’est pas en arrêt maladie, c’est quand même minimum une demi-journée par semaine à s’occuper de la paperasse… laisse trainer…
Heureusement, EASY KINE, KINEMAX, KINE+4000 ou VEGA aident un peu notre kiné contre quelques pièces d’or (quand ils ne plantent pas et que le SAV est réactif…).
Au final, à certains moments le kiné doit se demander s’il s’est formé pour soigner des gens… ou faire le boulot de l’Administration, de la femme de ménage ou d’un bûcheron (tuer des arbres…).
Autant de temps non destiné :
- À la mission première du kiné : “le soin”!
- Au repos du kiné entre les soins.
L’Hydre du Papier est le 1er fardeau du Kiné… et il en reste 11 autres…
Travaux herculéens II : Le sanglier des négociations conventionnelles
Hercule a eu le fardeau de capturer le sanglier d’Érymanthe… de leur côté, de nombreux kinés espèrent mettre fin à la course effrénée du sanglier des négociations conventionnelles.
Le sanglier des « négociations conventionnelles » ! Voilà une bête bien connue des kinés…
Il faut dire que beaucoup de monde chasse cette pauvre bête : la SÉCU, les syndicats de Kinés, les mutuelles…
Pour les kinés, il est porteur de beaucoup d’espoirs et d’inquiétudes :
- revalorisation tarifaire (face aux charges et à l’inflation…)
- régulation démographique (zones de densité, principe du 1 départ/1 arrivée…)
- formation kiné (jeunes diplômées, formation à l’étranger…)
- concurrence entre Kinés et autres professions
- revalorisation du travail en domicile
- en libéral et sous densité en établissement
- créations d’actes, télésoins, etc.
Cependant, la chasse s’éternise et surtout on ne connait pas le poids final de la bête. Pas bien lourd certainement…
Dans les négociations conventionnelles précédentes, la viande était bien maigre. À chaque fois, c’est beaucoup de déceptions pour les kinés…
Bref, la situation sur le terrain n’évolue pas beaucoup au fil des gouvernements et des négociations… Chaque année, France 3 nous fait même son petit reportage sur le sujet (1).
Travaux herculéens du kiné III: Tuer le lion de la concurrence
Hercule a réussi à tuer le Lion de Némée… Les Kinés doivent se battre contre le lion de la concurrence. Et il faut bien avouer que la bête a les crocs :
- Concurrence entre kinés dans les zones en surdensité
- Concurrence avec les professions du bien-être (masseurs, esthéticiennes, kinésiologues, ostéopathes…)
- Concurrence des kinés étrangers et des kinés formés à l’étranger
- Concurrence de Kinés, qui en réalité ne le sont pas officiellement ou presque, bref on ne sait pas trop (ex.: affaire du jeune kiné de l’hôpital de Zuydcoote).
Face au Lion de la concurrence, la tâche est ardue…car le kiné a des marges de manœuvre limitées pour “se défendre” :
- encadrement de la publicité et de la communication
- interdiction du référencement Google (SEO)
- difficultés à la diversification
- enfermement statutaire dans des soins peu rémunérateurs
- dépendance aux médecins prescripteurs,
Travaux herculéens du kiné IV: La biche de la lassitude
Hercule a capturé la biche de Cérynie. Pour les kinés, c’est l’inverse : ils essayent de ne pas croiser la biche de la lassitude…
Pour de nombreuses personnes, les kinés sont “sympas”, à “l’écoute” et “dévoués en toutes circonstances” . Mais derrière le sourire de façade, il y’a parfois de la lassitude…
Le Kiné reste un être humain et l’évolution de la profession n’aide pas à garder une motivation sur le long terme.
Certains kinés travaillent actuellement dans la lassitude. Voici quelques éléments à son origine :
- À la longue, la routine peut s’installer, le kiné a l’impression d’avoir fait le tour du métier. Les actes et les journées se répètent… Dans une étude, 90% des kinés disent effectuer des gestes répétitifs et parmi eux 44% estiment que ces gestes sont souvent voire toujours effectués à une cadence soutenue (2).
- L’isolement peut peser à la longue :
- Chez les kinés libéraux, dans certains secteurs isolés, ou dans un cabinet avec une mauvaise ambiance.
- Chez les kinés salariés, l’isolement peut venir du manque d’écoute de la hiérarchie et d’une mauvaise ambiance de travail.
- La dépendance à d’autres professions (médecins, chirurgiens…) et à l’Assurance Maladie peut aussi lasser avec le temps. Les écoles de kinés vantent souvent la liberté du kiné, mais cette dernière est toute relative dans les faits. Il se voit souvent comme un salarié de la Sécu (et à raison)…
- Les conditions de travail difficiles use le kiné dans ses 3 dimensions (physique, mentale et émotionnelle).
- La désillusion, lorsque le kiné est confronté à des situations dans lesquelles il ne peut rien faire. “Il y a des patients qu’on ne digère pas” m’a confié un jour un ami kiné…
- Dans certains secteurs le sous-effectif peut aussi être une source de lassitude.
Sans oublier, la gestion des rendez-vous, les démarchages commerciaux incessants, la crise sanitaire et la prise en charge de la douleur des autres qui plombent à la longue notre kiné-Herculéen.
Dans les faits, de plus en plus de kinés continuent, malheureusement, d’exercer leur profession pour des raisons financières, plus que pour le métier lui-même… (Pris à la gorge par les prêts, des charges et des achats d’appareils vendus pas des représentants qui manient mieux le marketing que ces derniers…).
Certains kinésithérapeutes s’accrochent également à la bonne ambiance de travail (quand elle est présente…) ou au sanglier des négociations conventionnelles (vu plus haut) mais au fond la lassitude est là.
Travaux herculéens du kiné V: les oiseaux “mauvais patients”
Hercule a bataillé contre les oiseaux du “lac de Stymphale”. De bien mauvais oiseaux…
Les kinésithérapeutes ont également leurs “mauvais oiseaux” à gérer : les emmerdeurs.
Les kinés aiment leurs patients. Mais ils vous diront aussi qu’il y a, dans le lot, quelques “gentils emmerdeurs”. Le problème étant, que même peu nombreux, ils ont un gros pouvoir de nuisance sur notre pauvre kiné…
Petit panorama :
- le patient qui n’a pas compris qu’il était aussi acteur de sa rééducation (bref, le kiné ne fait pas tout le boulot)
- le patient qui ne comprend pas que tout n’est pas payé par la SÉCU et qui ne veut pas sortir le moindre euro de sa poche…
- le patient qui a un poil dans la main et son célèbre “je n’ai pas envie de faire des exercices aujourd’hui, vous pouvez me masser ? “
- pour les domiciles, le patient qui n’ouvre pas la porte lors d’une visite… ou qui vous accueille dans un lieu ou avec une humeur pas très accueillants…
- le patient qui confond kiné et psychologue, et passe la séance à se plaindre
Ici, attardons-nous un peu sur le “kiné-psy”. Notre société est de plus en plus en manque de contact physique et d’écoute (les masques et Tik-tok n’aident pas…).
Or, la proximité avec le kiné génère un espace propice à la libération de la parole…
Pour le patient c’est tout bénef, il peut vider son sac et c’est gratuit (contrairement au psy) !
Pour le kiné, c’est la double peine : il est loin des honoraires du psychologue et il doit maintenir une barrière face à cette charge émotionnelle (qui peut se reproduire plusieurs fois dans la semaine vu le nombre de patients…).
Reprenons notre liste des “patients compliqués” du Kiné :
- le patient éternellement insatisfait (ça fait mal, ça n’avance pas, vos horaires ne me vont pas…)
- le patient qui se croit le centre du monde ou qui sait déjà tout
- le patient qui a la résistance à la douleur d’une mouche (ça arrive…)
- le “patient parent” qui confond kiné avec garderie…
- le patient qui a son smartphone greffé sur la main durant la séance…
- le patient qui ne fait pas ses exercices chez lui…
- le patient dont le kiné est la sortie de la semaine (il a le temps mais le kiné non…)
- Le patient qui continue d’aller droit dans le mur (qui n’écoute pas les conseils avisés du kiné)…
- le patient qui oublie toujours sa carte vitale… ou son chéquier…sa CB, de dire bonjour, merci, au revoir…
- le patient qui ne prévient pas qu’il ne vient pas…
Au passage, petit message de ma part si vous êtes ce type de patient qui annule sans prévenir :
- Vous bloquez la place à d’autres patients motivés,
- le kiné a des factures à payer
- cela conduit le kiné à dire “non” à de nouveaux patients (ce qui est émotionnellement compliqué pour lui)…
Avant d’annuler sans prévenir, réfléchissez donc à 2 fois ! Ou suiviez cette affiche vue dans un cabinet de Kiné de la région Lyonnaise :
Les kinésithérapeutes doivent faire preuve d’une grande persévérance et de patience avec certains clients… Aidons-les !
Travaux herculéens du kiné VI: Le taureau du soin “qualitatif”
Hercule a eu la lourde tâche de capturer le taureau du roi de Crète… Pour leur part, les kinésithérapeutes courent de plus en plus, comme des Taureaux, derrière le soin qualitatif.
Ces dernières années, les kinés ont de plus en plus de difficultés à assurer une qualité de soin à la hauteur de leur conscience professionnelle. De nombreux kinés aimeraient faire plus pour leurs patients… mais les conditions de travail difficiles et la dégradation du cadre réglementaire les en empêchent.
Voici quelques illustrations :
- Il y a quelques temps, une kiné au bout du rouleau a oublié sa cliente dans son cabinet (Le Dauphiné Libéré – 21 janv. 2020 à 22:28)
- De nombreux kinés sont obligés de prendre plusieurs patients à la fois, pour survivre financièrement. Cela a un impact sur la qualité des soins.
- De plus en plus de kinés sont également obligés de réduire les temps de suivis et d’échanges avec leurs patients
Il y a encore quelques années, il était possible de s’occuper de chaque patient, d’être à son écoute, de passer du temps avec lui. C’est de plus en plus dur actuellement.
Dans la même logique, certains kinés sont obligés de réaliser des journées continues, sans pause déjeuner, ou sans pause tout simplement. Combien ont une seule pause de 30 minutes sur TOUTE la journée ? C’est le cas de la plupart des kinés que je connais…
Cela ne l’aide pas à être frais et disponible en fin de journée, ni à apporter des soins de qualité.
Terminons ici par, selon moi, la plus belle facette du métier de kiné : les visites à domicile. Je trouve admirable cette dimension sociale du soin.
Problème : les kinés sont aujourd’hui tellement étouffés… qu’ils sont obligés de s’éloigner de cette pratique, au combien garant d’un soin, de qualité.
Un kiné se déplace au domicile du patient pour 2.50 euros, le médecin se déplace pour 12 euros et le plombier pour 50 euros : cherchez l’erreur !
Nous voici à la moitié des travaux herculéens du Kiné. Malheureusement, il en reste encore 6…
Travaux herculéens du kiné VII: Les juments du burn-out et de l’usure physique
Hercule a dû courir vite pour capturer les juments de Diomède… Le kiné lui doit courir vite pour échapper au Burn-out et à l’usure physique !
Le kiné est exposé à tous les ingrédients du cocktail burn-out/usure physique :
- Journées à rallonge (7h30- 20h en moyenne)
- Manque de temps pour le travail à faire
- Inquiétude du kiné pour sa propre santé physique et mentale
- Une charge de travail importante et complexe
- Des postures souvent pénibles et une charge mentale constante
- Le manque de (re)valorisation de ses actes
- Le Covid et ses effets pervers (exposition à la maladie, temps de désinfections, peur de la contamination des autres…)
- Les trajets (si le kiné a encore le courage de faire des domiciles)
- Les patients pas toujours simples
- Des situations déstabilisantes émotionnellement
- Voir toute la misère du monde défiler dans son cabinet
- Se battre avec les organismes (Assurance Maladie, Urssaf…)
- La demande importante (donnant le sentiment que la charge de travail à absorber est trop lourde)
Beaucoup de kinés te diront que même avec une bonne hygiène de vie, il est difficile de tenir sur la distance physiquement et/ou mentalement. Voici quelques chiffres d’un rapport récent (3) :
- 50.4% des kinés interrogés présentent “une réduction de l’efficacité et de la réalisation de soi”
- 52.8% des kinés présentent des symptômes proches du burn-out
- 67,9% des kinés présentent un certain niveau d’épuisement et 39% de manière sévère
- 50,1% des kinés présentent des manifestations de dépersonnalisation / déshumanisation
- 20.3% des kinés sont en état de Burn-out
- 4.8% des kinés sont en burn-out très sévères.
- 59% des kinés sont inquiets pour leur santé physique (usure)
Il faut dire que les kinés sont confrontés à une équation épuisante : “utiliser leur corps et leur esprit pour soigner sans les user”.
Si les kinés oublient cet équilibre, ils s’exposent à l’usure physique et au burn-out. Ils mettent en péril leur principal outil de travail : eux-même.
Malheureusement, chez certains kinés, l’adage “Les cordonniers sont les plus mal chaussés” prend souvent tout son sens…
Travaux herculéens du kiné VII: Ne pas se faire dérober sa vie de famille et de couple…
Hercule a eu la lourde tâche de dérober la ceinture d’Hippolyte. Le kinésithérapeute de son côté à toutes les difficultés pour ne pas se faire dérober sa vie de famille…
D’un point de vue quantitatif
La charge de travail et l’amplitude horaire du kiné sont souvent une zone de tension. Cette charge peut empiéter sur le couple et la vie de famille. Les kinés parents regrettent souvent de ne pas pouvoir être plus présents le matin et lors des fins de journées (créneaux importants dans l’équilibre de vie des enfants).
Certains kinés travaillent également le week-end ce qui n’arrange rien pour l’équilibre familial.
Les kinésithérapeutes doivent également continuer à se former tout au long de leur carrière. Impossible de se former au cabinet vue la charge et les conditions de travail… La formation nécessite souvent des déplacements, génère de la fatigue et des dépenses additionnelles.
Enfin, la faible rémunération des actes et les difficultés pour se diversifier ne permettent pas de diminuer le nombre de séances et de dégager du temps pour la famille.
D’un point de vue qualitatif
L’empiètement sur la vie privée des kinés est plus insidieux si on regarde les choses d’un point de vue qualitatif. Les conditions de travail font que les kinés accumulent beaucoup de fatigue (physique, mentale, et émotionnelle). Beaucoup de kinés se déclarent psychologiquement “lessivé”, “vidé” en fin de journée, et les week-ends, moment pourtant propice à la vie de famille. Cela peut perturber la “qualité” du temps passé avec les enfants et le conjoint.
Les problèmes du cabinet peuvent aussi empiéter en dehors du boulot. Les kinés peuvent donc être plus tendus avec leur proche, ou être physiquement là mais mentalement ailleurs… Pour certains kinés, le mot “douleur” devient tabou en dehors du cabinet… tellement ça les titille.
Travaux herculéens du kiné IX: nettoyer les écuries du système de santé français
Hercule a réussi à nettoyer les écuries d’Augias. Pour le kiné, il a la charge de nettoyer les écuries du système de santé français.
Le kiné est souvent le dernier maillon de la chaîne, le parent pauvre…
Cette position l’amène à “bricoler” pour rattraper les “dysfonctionnements des maillons précédents”. Voici quelques exemples :
- Continuer à assurer des soins de qualité malgré l’absence de considération (de l’Assurance Maladie et des autorités de santé)
- Mettre de l’humain dans un système de santé de plus en plus déshumanisé
- Supporter le dédain de certains autres professionnels médicaux
- Rattraper certains cas cliniques mal pris en charge (opérations ou traitements)
- Faire les frais du manque de prévention dans le système français
- Pallier le manque d’effectifs
- Faire avec la dépendance des médecins prescripteurs (et des ordonnances illisibles et/ou du réel)
- Se battre avec des démarches administratives sans fin déconnectées du terrain
- Essayer de comprendre les « références opposables » de la Sécu
- Se méfier du vieux serpent de mer du diplôme “d’aide-kiné”
- Relations parfois compliquées avec les organismes de tutelles et les autorités de santé
Au final, le kiné est comme l’électricien dans le bâtiment : c’est le dernier à intervenir et il doit “se débrouiller” avec ce qui a été fait avant (bien ou mal fait)…
Travaux X: Dompter le chien Cerbère à 3 têtes : Assurance Maladie, Ordre des kinés et CARPIMKOHercule est allé chercher le chien à 3 têtes “Cerbère” en enfer… Le kiné aussi à son chien Cerbère à 3 têtes à gérer…
Première tête : l’Assurance maladie
Cette tête est bien connue de tous les kinés : elle est synonyme de nombreux problèmes :
- Les tarifs trop bas pour les actes
- La complexité de la nomenclature
- La pression des contrôles (oui le Cerbère peut mordre)
- Les délais de remboursement
- Les quotas d’actes
- L’URSSAF et sa déclaration, pas toujours simple…
Voici quelques florilèges trouvés sur des forums de kinés :
- « On a demandé un rappel de 3 000€ à ma collègue pour la balnéo, à coup de 4,5€ »
- « J’ai été accusé d’avoir fait des soins en dehors d’ordonnance. Le médecin faisait des ordonnances à échéance de 3 mois. Alors qu’il était en congés, au titre de la continuité des soins, j’ai continué les séances en attendant qu’il revienne. Le monsieur, je l’ai remis debout, il a évité l’hospice. Ils ont annulé les séances concernées. Le médecin a fait un courrier pour expliquer la situation, mais ils n’en ont pas tenu compte ».
- « Comme il faut aller au tribunal, on s’assoit dessus »
- « Je suis payé à l’acte, 16 euros, quand le patient reste une heure, ça fait 16 euros de l’heure »
- « La cotation n’a augmenté que de 11 centimes en une dizaine d’années ».
Deuxième tête: la CARPIMKO
La CARPIMKO est la caisse de retraite des kinés. De nombreux kinés considèrent que les cotisations imposées sont excessives au regard de la pension de retraite (perte d’environ 70% des revenus).
À cela s’ajoutent des dysfonctionnements administratifs, des difficultés de remboursements et de l’absence de choix d’une autre caisse de retraite…
Heureusement (ou pas), le kiné peut compter sur les commerciaux, des complémentaires et autres dispositifs “avantageux”. Ces derniers lui proposeront alors de nombreux « dispositifs » avantageux…ou pas, généralement en appelant en pleine séance…
Troisième tête : Les ordres de kinés départementaux
Dernière tête du Cerbère, bien connu des kinés : les ordres départementaux. De nombreux kinés se plaignent des frais élevés de cet ordre professionnel… par rapport aux services rendus. Sans oublier quelques divergences d’opinions sur l’exercice et la promotion de la profession.
Certes, ces ordres professionnels protègent la profession… mais plusieurs kinés estiment la protection insuffisante au regard des obligations.
2 petites pépites trouvées sur des forums de kiné:
- “Il ne suffisait pas qu’au bout de trente ans, on nous impose de payer 280€ de cotisation ordinale, voilà qu’il faut ajouter je ne sais combien pour une institution qui ne fonctionne pas, ne fonctionnera pas car les objectifs de vos élus sont ailleurs, dans des petites gloires personnelles bien éloignées de vos préoccupations”.
- « On apprend qu’on prend une majoration de 25% si on ne prend pas une agence comptable »
Travaux XI: Capturer le bœuf d’une rémunération décente
Hercule a capturé les bœufs de Géryon. Le Kiné a toutes les peines du monde à capturer les bœufs d’une rémunération décente…
Pour beaucoup de personnes, le kiné gagne bien sa vie. Mais dans les faits, c’est plus compliqué.
Pourquoi c’est dur financièrement pour un kiné actuellement en France ? Voici quelques-unes des raisons :
- La faiblesse des tarifs de remboursement (déjà abordé avec le Cerbère de la Sécu)
- L’augmentation des charges sociales
- Le lion de la concurrence (vu plus haut)
- Une réglementation de plus en plus stricte provoquant des coûts supplémentaires (formation continue, matériel, certifications…)
- L’augmentation des charges de cabinets (matériels, loyers, emprunts, fournitures, consommables, appareils, la femme de ménage…)
- L’inflation globale
- La complexification de la partie administrative du métier, qui oblige souvent le recrutement d’une secrétaire et l’achat de logiciels
- Le système des “kinés partenaires” de mutuelles
- Les vendeurs d’équipements, très doués en marketing, qui ne manquent pas d’imagination pour siphonner le porte-monnaie du kiné.
Des aides existent, mais la complexité administrative pour les obtenir décourage souvent les kinés. Ces derniers préfèrent déposer les armes devant la complexité administrative.
Nous arrivons enfin au dernier des 12 travaux herculéens du Kiné.
Travaux XII: Dérober les pommes d’or de la reconversion professionnelle
Hercule a eu la lourde tâche de dérober les pommes d’or du jardin des Hespérides. Pour leur part, de plus en plus de kinés, aimeraient bien, dérober les pommes d’or de la reconversion professionnelle…
C’est un sujet tabou, mais de nombreux kinés pensent très fort à la reconversion professionnelle. Un coup d’œil sur les forums “kinés” et plusieurs sondages confirment ce phénomène…
Heureusement pour le système de santé français, l’hémorragie est limitée… car les kinés subissent les mêmes blocages inconscients que les personnes souhaitant se reconvertir.
Malgré le ras-le-bol, le cerveau humain (dont celui du kiné en détresse) arrive toujours à “rationaliser” pour éviter le passage à l’action de la reconversion :
« ça ira mieux dans quelques semaines… »
« Je suis pas si mal dans mon cabinet… »
« La sécu, les syndicats, X ou Y, vont faire quelque chose »
« Je ne peux pas lâcher mes patients… »
« J’ai pas fait toutes ces études pour tout lâcher »
Autres problèmes :
- Certains kinés souhaitant se reconvertir culpabilisent… car aux yeux de la population (ou de leurs proches) « le kiné n’est pas si malheureux »
- Certains kinés renoncent également à la reconversion car ils ne veulent pas “lâcher leurs patients”. Mais la première règle dans le soin, c’est l’image du masque à oxygène ! Le Kiné peut continuer à aider les gens mais d’une façon différente… sans s’asphyxier lui-même et ne plus pouvoir aider personne.
Voici quelques extraits de forums, une nouvelle fois, difficiles à lire:
“Je suis tout le temps stressé, de courir après le temps et l’argent, de ne pas profiter de ma vie privée.”
“Je ne fais plus le métier pour lequel j’ai fait mes études.”
“Je n’ai plus aucun élan à aller bosser, la boule au ventre.”
“J’ai frôlé le burnout.”
“Au cabinet, je n’arrive pas à dire non.”
“Je ne prends plus de plaisir à faire ce que je fais.”
“Les gens qui ne veulent jamais payer…»
“J’ai l’impression de bosser H24 et je galère pour m’en sortir.”
“J’ai l’Impression d’être prise au piège dans la kiné rat race.”
Le problème pour les kinés souhaitant se reconvertir, mais n’ayant pas le courage de passer à l’action, c’est que mettre la poussière sous le tapis, à un moment ça ne fonctionne plus…
Elle finit par ressortir… La tête peut dire ça va ! mais le corps et les tripes ne mentent pas…
La dissociation marche un temps mais c’est comme une hypothèque, à un moment il faut bien payer…
Beaucoup arrivent finalement au burn-out (cf les chiffres cités plus haut)… et là c’est la descente aux enfers (perte d’activité, conséquences sur la santé, impact sur la famille, patientèle à l’abandon…).
Au final s’il franchit la ligne rouge, le kiné n’aide plus personne (lui-même, ses proches, ses patients…).
Pour le kiné, il est alors préférable de récupérer les pommes d’or de la reconversion professionnelle, avant d’arriver au point de non-retour.
Nous arrivons au terme de cet article consacré aux 12 travaux herculéens du kiné.
Si tu es kiné, n’hésite pas à le partager à tes collègues qui sont la tête dans le guidon.
Si les 12 travaux commencent à peser trop lourd pour toi, tu peux réserver un “Point clarté kiné” pour faire un état des lieux de ta reconversion professionnelle.
Si tu n’es pas kiné, après cet article tu dois regarder ce héros du quotidien différemment. Tu peux partager cet article à ton kiné.
Sources :
(1) Le ras-le-bol des kinés : “Ça fait 10 ans que le prix des soins n’a pas augmenté” publié le 18/02/2023 à 17h47 sur FR3 Rhône-Alpes) / Les kinés se battent pour une revalorisation : “on en a marre de ramasser les miettes” Publié le 04/01/2023 à 18h09 FR3.
(2) Rapport de la Carpimko, sur la pénibilité du métier de kiné, de novembre 2020
(3) Même rapport