Nouveau sur Epanessence ?

Epanessence accompagne ceux qui, malgré beaucoup de dev’ perso, tournent en rond dans leurs schémas et en souffrent. Le but : renouer avec qui tu es vraiment et être en paix avec toi-même.

Le développement personnel est devenu une mode, un phénomène généralisé. Depuis Tony Robbins, les livres de développement personnel pour améliorer sa vie abondent dans les librairies.

Entre les manuels mode d’emploi “Comment avoir plus confiance en soi” ou “les secrets du bonheur”, “comment avoir une meilleure vie”, “commencer mieux influencer au travail”, les conseils bateaux de psychologie déguisés en roman type “voyage du héros” ou encore les livres moralisateurs qui nous martèlent à coup d’injonctions de ne pas juger, de ne pas faire de supposition ou de méditer tous les matins, il y en a pour tout le monde.

Le développement personnel est ancré dans notre vie d’humain du 21ème siècle où l’on croit devoir s’améliorer.

Cet article s’adresse à ceux qui, comme moi, ont été ou sont toujours de grands consommateurs de développement personnel.

Attention : selon ton degré d’engagement dans le développement personnel, tu risque d’être secoué.

Développement personnel : le dangereux postulat de départ

Avant d’aller plus loin, précisons qu’il n’existe pas UN développement personnel mais plusieurs : c’est juste un terme générique.

De multiples courants, chacun avec ses auteurs phare : certains ne jurent que par la CNV de Marshall Rosenberg, d’autres par les 4 accords toltèques de Don Miguel Ruiz, d’autres par les 5 blessures de Lise Bourbeau, d’autres encore par le moment présent de Eckhart Tolle ou encore la psychologie positive de Tal Ben Shahar.

Chaque coach a sa théorie, ses objectifs, ses outils, ses exercices, son livre de référence, ses citations… Chaque coach vend sa méthode, sa formation, meilleure que les autres.

Peu importe le courant, je veux mettre en exergue le postulat de départ inhérent à la plupart des courants de développement personnel que j’ai croisés.

Ce postulat de départ est : “je dois m’améliorer.”

Eh oui, sinon pourquoi lire des livres de développement personnel ? Pour le fun ? Quitte à s’évader, autant lire un roman de St Exupéry ou une prose de Baudelaire. Même si je reconnais que j’ai pris beaucoup de plaisir dans les romans de Laurent Gounelle par exemple.

L’intention première du développement personnel est de s’améliorer, d’atteindre ses objectifs, de changer son esprit, de devenir plus positif, de contrôler ses émotions, d’être une meilleure personne, d’être plus productif, plus confiant… Ça peut être aussi insidieux qu’être plus bienveillant, plus présent ou plus heureux. Il s’agit très souvent d’être plus.

Il y a aussi le courant du “moins”, bien entendu : comment simplifier sa vie, trier ses objets, se défaire du matérialisme… J’ai beaucoup aimé cette voie qui m’a parlé à une époque, mais le message consistant à dire “être moins” revient exactement au même postulat que le “être plus”.

Dans tous les cas cela revient à l’idée de “je dois m’améliorer” pour arriver à une finalité autre que ce qui est. Derrière cette injonction (car c’est bien ce dont il s’agit), il y a la volonté d’être autre chose que ce que je suis.

J’ai une mauvaise nouvelle : la démarche volontariste d’amélioration de soi repose sur le déni de ma propre humanité. Le socle du développement personnel est de me vendre l’idée que je dois être autre chose que ce que je suis. Sans quoi il n’y a pas de business, pas d’argent à faire.

Autrement dit : qui je suis n’est pas OK. Je devrais être plus ceci ou moins cela. Je dois avoir plus confiance, plus m’affirmer, être plus mince, moins timide, moins rigide.

J’ai tellement longtemps cru à cette idée que j’ai mis du temps à voir la supercherie.

Attention, n’y vois pas une incitation à se laisser aller à sa pente naturelle. Là n’est pas mon propos, car je ne suis pas en train de te dire de faire quoi que ce soit.

Le développement personnel crée une tension qui dit en substance “qui tu es ne convient pas”. C’est un déni pur et simple de la vie que tu es !!!

Ce développement personnel s’inscrit dans la continuité d’une doctrine religieuse dans laquelle tu es censé expier tes péchés, corriger tes fautes, implorer pardon à Dieu et être du côté du bien, en visant un idéal de pureté pour, après ta vie, aller au paradis.

Même si tu n’es pas la religion, c’est extrêmement ancré dans notre société et en toile de fond. Si tu en doutes, demande-toi pourquoi tu ne pètes pas, rotes pas, pleures pas, cries pas, en public ?

La religion est venue avec la morale : il est des choses qu’on ne doit pas faire, point. Pourquoi ? Parce que.

Le développement personnel a tout d’une idéologie religieuse : ses rituels, ses “il faut”, ses bibles, ses prêtres…

Il y a aussi le courant du développement personnel plus productiviste, visant à être plus productif, réaliser que tout est possible, acomplir ses rêves, se dépasser pour être la meilleure version de soi-même.

C’est une énergie différente du développement personnel “religieux” qui n’en est pas moins toxique quand il est pris trop au sérieux.

Quand l’objectif et la volonté de la résultat deviennent plus importants que toi, la maltraitance n’est jamais bien loin…

Tu commences à t’en vouloir car tu as raté une méditation, à te fouetter car une “pensée négative” a traversé ton esprit (oh la vilaine !).

Le vrai danger est de ne jamais vivre ici et maintenant, de se dédier corps et âme à la positivité, au bonheur, à la bienveillance… Sans jamais les vivre.

L’injonction au bonheur empêche de vivre le bonheur.

Et si nous questionnons le postulat de départ ?

Si on questionne cette phrase “Je dois m’améliorer” : Qui doit améliorer qui ? Améliorer quoi exactement ? Pourquoi vouloir améliorer ? Améliorer selon quels critères ? Améliorer au regard de quel absolu ?

Comme dit précédemment, cette amélioration va souvent dans 2 directions :

  1. La direction du “bien” et du “mieux” : être une bonne personne, quelqu’un de gentil, du côté du bien, être dans la pure bienveillance et dans l’amour.
  2. La direction du “plus” (plus efficace, plus riche, plus rapide, plus confiant) ou du “moins” (moins d’objets, moins d’argent, moins de consommation)

On cherche à s’hypertrophier dans ces deux directions. En théorie, ça pourrait être une bonne idée ! Après tout, un monde avec que des gens bienveillants, heureux, confiants, riches sur tous les plans… Ca doit être génial.

C’est sans compter l’idéologie qui va derrière : c’est au nom de l’amour et de la vérité que des groupes d’humains ont brûlé, pillé, tué, des millions d’autres humains.

Manque de bol, l’être humain n’est pas résumable à une logique de camps avec les gentils d’un côté et les méchants de l’autre. La logique aristotélicienne semble valide en théorie…

En pratique, l’humain est TOUT, il contient toutes les polarités, capable du pire comme du meilleur comme l’explique bien Franck Lopvet. Un individu “gentil comme tout” peut passer sa vie à ne pas faire de vague et se retrouver un jour dans les journaux car il a assassiné sa famille. Personne n’est tout blanc ou tout noir, à part un albinos et un éthiopien, et encore…

Ca signifie qu’une démarche de développement personnel va pousser l’individu à “muscler” son côté “bien” et son côté “plus”. Il entre en guerre contre son côte “mal” et son côté “moins”.

Rien de tel pour entretenir la violence à l’intérieur de soi et augmenter la tension interne. Cette guerre intérieure crée une séparation chez l’individu qui se morcèle alors de plus en plus, persuadé qu’il doit éradiquer son côté sombre.

L’injonction à devenir meilleur devient ainsi un enfer qui coupe l’individu de qui il est, mettant en lumière certaines parties et au placard d’autres.

Les parts volontaristes, qui cherchent à être “plus” et “mieux” en voulant méditer, arrêter le sucre et s’étirer tous les soirs, prennent de la place, s’hypertrophient telles une tumeur cancéreuse.

Tandis que les parts qui veulent dormir, jouer aux jeux vidéo, regarder les papillons voler, se voient réprimées, connotées négativement et enfermées à la cave.

Voilà le résultat d’un développement personnel malsain qui éloigne l’individu de qui il est. Ainsi, les parts réprimées prennent du pouvoir dans l’ombre et contrôlent secrètement l’individu, par des addictions, des compulsions, des comportements déviants.

Et à coup de techniques interventionnistes parfois très efficaces, la personne continue à se morceler un peu plus, en ayant réellement l’impression de s’optimiser… (jusqu’au point de rupture)

Ce développement personnel boiteux est délétère pour la santé psychique, tout autant qu’il est célèbre et de plus en plus répandu.

Mon expérience du développement personnel

Je l’ai expérimenté dans ma propre chair : j’ai passé près de 12 ans dans une course infernale à vouloir être mieux, à vouloir être plus.

Ca m’a beaucoup amusé au début, j’ai expérimenté énormément de choses pour améliorer ma vie : aborder des inconnus, retraite de méditation, auto-hypnose dans le désert marocain, miracle morning tous les jours, bains glacés, affirmations positives, jeûne d’une semaine, apprendre à parler en public…

J’ai lu des centaines de livres de référence, j’ai pris un coach, je me suis formé au coaching, à la psychologie, je faisais plein d’exercices, je suivais tous les jours des formations, j’allais en séminaire…

J’ai réalisé bien plus tard à quel point ma vie tournait autour de ça. J’étais devenu un junkie du développement personnel !

La limite du monde du développement personnel et du coaching, c’est que ta vie est dominée par les sacro-saints objectifs : il y a toujours un objectif, puis encore un objectif et après un autre objectif.

Et Fabien dans tout ça ? Dans cette course, j’ai perdu le plus important : mon intimité avec moi-même.

Me sacrifiant ainsi sur l’autel d’un idéal, je ne savais même plus qui j’étais, je me confondais avec l’avatar lisse que je montrais au monde.

Evidemment j’étais le seul responsable. Il n’y a pas de pierre à jeter à quiconque (puisqu’il n’y a pas de coupable ni de faute). C’était une expérience que j’avais besoin de vivre. Simplement, j’ai payé le prix de ce jeu toxique de “l’optimisation de mon potentiel”.

Se perdre dans ces chemins de traverse peut être une nécessité pour réaliser la perversité de cette démarche d’amélioration de soi. Comme je l’ai compris : me perdre m’a aidé à me retrouver.

Il y a des indicateurs qui montrent qu’on se fourvoie complètement dans le développement personnel et surtout la pression que ça génère.

Avec cette pression viennent des tensions psychiques, émotionnelles et corporelles. Quand chaque aliment que tu manges, chaque seconde que tu passes, chaque personne que tu fréquentes, devient un sujet de préoccupation, c’est qu’il y a un problème.

Si ce que tu fais crée des tensions, tu peux te poser des questions.

Voici une question pour faire preuve de discernement : D’où part en moi ce besoin de lire ce livre, suivre ce séminaire, m’améliorer de la sorte ? Où est-ce que je compte aller comme ça ?

La clé pour sortir de la rat race du développement personnel

Dans le développement personnel et le monde du coaching, il est souvent question de la “rat race” (la course des rats) : métro, boulot, dodo. L’archétype de l’individu qui passe 2 heures par jour dans le RER pour aller travailler le cul sur une chaise dans un immeuble gris, dans un boulot salarié qu’il déteste, pour rentrer exténué chez lui, et rebelote.

Le développement personnel apparaît comme un second souffle pour s’émanciper de ce carcan étroit. En réalité, les milliers de personnes que j’ai rencontrées depuis une dizaine d’années m’ont montré que la “rat race” s’applique de la même manière au monde du développement personnel et du coach : Passer 2 heures par jour à méditer, faire des affirmations et des bains froids, regarder des vidéos de développement personnel, écouter des livres audio en voiture pour s’améliorer, dépenser des (dizaines de) milliers d’euros en formation, coaching, stages. Travailler plus pour se payer tout ça.

Loin de moi l’idée de critiquer cela, je l’ai fait moi-même. Il me paraît judicieux de remarquer la similitude, de voir que c’est encore la même boucle qui se répète : comme ces entrepreneurs qui quittent le salariat pour courir après leur liberté et leur succès et qui finissent enchaînés à leur business à travailler 12h par jour pour se payer un salaire.

Cela est-il plus sain que la vie du salarié avec son métro-boulot-dodo ? Je ne sais pas.

Vérifier son intention est à mon sens la meilleure façon de se voir en train de faire.

A chaque instant, ai-je une intention de résultat, d’atteindre quelque chose ? Ou ai-je l’intention d’être en lien avec ce qui est ?

C’est aussi simple que cela. Le développement personnel est mû par une intention de résultat où la volonté de s’améliorer est plus important que nous. On sacrifie le soi sur l’autel de l’idéal… du soi. Paradoxal n’est-ce pas ?
Je ne dis pas que c’est mal pour autant.

La vie est pleine de paradoxes comme celui-ci.

Chacun doit vivre son expérience et, parfois, se perdre est la meilleure voie pour se trouver. Simplement, si tu te retrouves dans ce schéma, regarde bien que cette quête d’amélioration est mue par la volonté de combler un vide que tu ne peux pas combler.

Ce vide est simplement vide de toi, donc ce n’est pas en le remplissant avec des choses extérieures que tu vivras un sentiment de plénitude.

Voilà encore un paradoxe : “Quand tu mets du plein dans le vide, celui-ci n’est plus vide.”

Cela rejoint un principe clé en CNV qui dit que “le premier besoin d’un besoin est d’être reconnu.”

Pour le dire clairement, quand je sens qu’il y a un “vide” en moi (une émotion forte, une sensation désagréable,…), c’est simplement que je n’ai pas pris le temps de l’écouter, de la ressentir pleinement. J’ai tout fait pour remplir ce vide compulsivement à travers la nourriture, les autres, les écrans, le travail, la cigarette, le sport, une formation ou un livre de développement personnel…

Or, le simple fait d’amener ma présence dans ce vide, en passant par la respiration, le ressenti et surtout l’accueil, fait disparaître le vide… puisqu’il est plein de moi.

C’est quelque chose sur lequel on peut réfléchir pendant des heures en se disant “mais oui, c’est tout à fait ça !”, ça ne change rien tant que ce n’est pas vécu. Pour certains, comme ça a été mon cas, il est nécessaire de passer par un tiers pour vivre cela.

J’aurais tendance à dire que c’est systématiquement nécessaire : pour quelqu’un qui ne sait pas se donner cet amour sans condition, qui ne sait pas accueillir ses émotions et se prendre tendrement dans les bras… Faire appel à un tiers est une béquille temporaire indispensable.

Le coach n’est souvent pas une bonne personne pour cela : le premier paradigme du coaching est de fixer un objectif pour avoir un résultat… Ici il n’est pas question d’objectif, simplement question de se rencontrer et s’écouter.

La compulsion du développement personnel disparaît dès qu’on a pris le temps de se rencontrer intimement : il n’y a plus besoin de courir puisqu’on a compris que tout ce qu’on cherchait tout ce temps à travers l’extérieur… C’est soi-même.

L’ennéagramme fait partie des chemins qui mènent à cette rencontre intime entre soi et soi. Il en existe plein d’autres. Le coaching peut être une introduction au sujet avec le travail sur les valeurs, sur l’estime de soi ou la confiance en soi… C’est la première couche de l’oignon.

Tout ce qui invite à tourner le regard à l’intérieur pour voir ce que tu vis réellement, sans chercher à le repousser, mérite ton attention. En gros un véritable travail d’introspection.

Il existe des milliers de chemins et ils mènent tous au même endroit. Même le développement personnel, par l’impasse qu’il représente, m’a amené trouver ma voie. Donc quelque part il y mène aussi.

Si tu fais partie de ces personnes qui font tourner toute leur vie autour de ce petit monde, que tu te mets une pression phénoménale pour être “la meilleure version de toi” et que tu dépenses tout ce que tu gagnes dans un coach ou des formations de coaching, réalise une chose :

Le développement personnel n’est pas plus important que toi.

4.2/5 - (19 votes)