Depuis des millénaires, l’hypnose est un état que l’humain n’a de cesse de rechercher pour fuir sa réalité.
Etymologiquement, hypnose vient de “Hypnos” le Dieu du sommeil.
Nous voyons aujourd’hui l’hypnose comme une approche thérapeutique pour arrêter de fumer ou perdre du poids, ou encore une approche amusante en soirée ou dans la rue pour faire faire n’importe quoi à des inconnus.
C’est seulement la partie émergée de l’iceberg.
L’hypnose est profondément ancrée dans notre cerveau qu’il est même difficile de se rendre compte l’ampleur du phénomène. En réalité nous passons la plupart de notre existence sous hypnose sans réellement le voir.
Cela fait penser à l’anecdote du poisson qui dit à son collègue :
“Tu trouves pas que l’eau est fraîche aujourd’hui ?”
“Quelle eau ?” répond l’autre.
Lorsque nous baignons dans quelque chose depuis longtemps, nous ne le voyons pas, nous ne le questionnons pas.
Dans les lignes qui suivent, l’idée est justement de mettre de la conscience sur cette hypnose qui nous empêche de vivre notre vie en conscience.
Qu’est-ce que l’hypnose ?
Avant d’exprimer brièvement ce dont on parle, il me faut faire un détour par un concept psychologique extrêmement important.
Daniel Kahneman, psychologue renommé, a reçu un prix Nobel d’économie en 2002 pour ses travaux sur les biais cognitifs.
Dans son livre “Thinking fast and slow”, il a mis en évidence un fonctionnement double de l’esprit qu’il a arbitrairement désigné le Système 1 et le Système 2.
Attardons-nous brièvement sur ces 2 compères.
Juste avant de les détailler, il est important de comprendre que l’humain a évolué sur un mode économique : le corps fait son possible pour économiser son énergie. Nous sommes tous des fainéants en puissance. Minimiser la dépense de glucose cérébral est donc une priorité absolue.
Pour cela, nous pouvons remercier le Système 1.
Le Système 1 est économe et automatique. Il est purement émotionnel et responsable de nos heuristiques de pensées*, ainsi que de tous nos biais cognitifs**. C’est lui qui est responsable de notre survie. Nous pouvons l’assimiler à notre cerveau reptilien et limbique. *Un heuristique de pensée est un préjugé que le cerveau fait pour se simplifier la vie et économiser du glucose.
**Un biais cognitif est une erreur de calcul du Système 1 qu’il fait pour justement économiser de l’énergie. Les biais cognitifs impliquent que nous ne voyons pas le réel mais la représentation qu’on en a, que nous prenons de mauvaises décisions sur base de nos jugements…
Le Système 1 est donc très rapide et permet de favoriser l’action, donc la survie. Car dans la Nature en situation d’urgence, au plus nous agissons rapidement, au plus nous avons de la chance de survivre.
Face à un tigre à dents de sabre, la réponse la plus adaptée est de courir vite, très vite, et non pas réfléchir à “est-ce qu’il me veut vraiment du mal, au fond ?”
Le Système 2, lui, est lent et coûteux en énergie. Nous pouvons l’assimiler au néocortex qui est le siège de la réflexion conscience et de la rationalité. Cette cognition coûte cher en glucose et c’est pourquoi le cerveau ne l’utilise pas en priorité.
Il permet de questionner les automatismes du Système 1 et de les tempérer, sans toutefois pouvoir s’y soustraire complètement.
En quoi est-ce important, cette histoire de système ?
Nous pouvons arbitrairement associer le Système 1 à l’inconscient et le Système 2 au Conscient.
Tout personne normalement constituée a conscience que la plupart de nos fonctions et de notre vie est régie par notre inconscient : fonctions vitales (respiration, battement du cœur, synthèse des hormones), habitudes (d’action, de pensée, de parole)…
L’hypnose s’adresse directement au Système 1 et pas à l’esprit rationnel.
C’est la raison pour laquelle sous hypnose je peux voir mes mains léviter (parce que mon inconscient est manipulé) et mon conscient est halluciné en se disant “Mais comment est-ce possible ?”
Maintenant revenons à nos moutons : qu’est-ce que l’hypnose ?
Nous entendons souvent l’hypnose comme étant un état modifié de conscience.
Cela pose la question de “qu’est-ce que l’état normal de conscience” ?
Il n’y a pas de réponse.
Nous pouvons dire vaguement que l’hypnose représente plusieurs états de conscience décalés, qui peut aller de la transe lourde sous tambours chamaniques à la transe légère induite par le mouvement répétitif et le défilement du paysage en train.
L’hypnose est un état naturel que nous connaissons tous, souvent agréable et c’est même une expérience que nous recherchons proactivement.
En effet il existe bien DES hypnoses et non une hypnose.
Un état hypnotique peut se caractériser par :
- Une distorsion du temps : accélération ou ralentissement.
- L’association ou la dissociation du corps : typiquement au cinéma nous sortons de notre corps et entrons dans l’écran
- Une altération de nos perceptions : il est facile d’oublier complètement notre environnement, ou d’avoir des sensations décuplées comme en jeûne.
Quelques exemples d’hypnose :
La transe chamanique avec les tambours et les rituels
Le voyage en train ou en voiture
La lecture d’un livre (nous ne lisons pas des caractères noirs sur fond blanc, nous voyageons dans un univers)
Voir un film (nous ne regardons pas des acteurs jouer un rôle, mais nous sommes complètement immergés et associés aux personnages et au scénario… S’il est bien fait !)
A ce stade, tu te dis peut-être que c’est cool l’hypnose, car son image a été redorée dans la société moderne depuis Erickson et de nombreuses écoles qui forment à l’hypnothérapie.
Ca aide les gens à sortir de phobies, d’addictions, de perdre du poids. Tout ça est magnifique… Sur le papier.
Maintenant il est temps d’aller voir l’autre côté de la pièce.
Hypnose : les dangers
Comme tout dans la vie, il y a le côté lumineux et le côté sombre.
L’hypnose n’y échappe pas.
Par définition, l’état d’hypnose vécu par le Système 1 se fait au détriment du Système 2.
Ainsi, l’hypnose implique un sacrifice d’une partie du réel.
En hypnose thérapeutique par exemple :
C’est un outil très puissant qui permet de mettre le conscient de côté et de bidouiller avec l’inconscient.
Problème : la psyché humaine est éminemment complexe et de nombreuses interactions existent.
En venant avec notre volonté de changer les choses (dans un paradigme interventionniste), nous laissons le conscient de côté sans nous préoccuper de son existence, pour venir dresser l’inconscient selon nos propres désirs. Mais quelle partie de nous est à l’origine de cette volonté ?
Est-ce vraiment écologique pour la personne ? J’en doute.
Voilà pourquoi nous pouvons souvent observer des déplacements de symptômes avec l’hypnose.
Si un symptôme existe (fumer, procrastiner…), c’est pour une bonne raison. Ne pas en tenir compte et jouer avec l’inconscient pour faire taire le symptôme, c’est de l’ingérence. Ce symptôme était justement là pour nous alerter et nous inviter à mettre de la conscience dessus.
Voilà un coût caché de l’hypnose. Il y en a bien d’autres.
L’état d’hypnose nous rend extrêmement suggestible et manipulable.
C’est utilisé tous les jours sur nous dans bien des contextes.
L’hypnose est au centre de l’ingénierie sociale***
***L’ingénierie sociale est un levier pour faire agir le peuple dans le sens de ce qu’on veut de lui.
En voici quelques uns :
- Les médias : nous en avons pléthore d’exemples. L’épisode COVID par exemple, avec une répétition pluri-quotidienne du nombre de cas, d’hospitalisés en réanimation et de morts. Cette émotion de peur véhiculée parle très fort au Système 1 qui aura plus tendance à écouter ce qu’on lui dira de faire.
- Les politiques : rien de nouveau, les discours de politiques sont créés pour être hypnotiques. Au fond c’est toujours un ensemble d’arguments creux, de lapalissades… Tout est fait pour amadouer le maximum de Système 1, dans une volonté de rassurer, de persuader.
- La publicité : nous voyons des dizaines voire des centaines de publicités par jour. Dans la rue, à la télévision, sur le téléphone… Et certaines personnes naïves osent dire que la publicité ne marche pas sur eux. Ici, c’est typiquement le Système 2 qui s’exprime et qui faisait comme si le Système 1 n’existait pas. La publicité s’adresse à nos plus bas instincts, avec des femmes dénudées, du soleil et des beaux paysages, des voitures de luxe… Et devine quoi : ça fonctionne.
- Le marketing : ces dernières années le marketing fleurit sur internet. Nous voyons des vendeurs de rêve nous proposer monts et merveilles, ils utilisent des leviers bien connus du marketing qui s’adressent à notre Système 1. En pleine hypnose, nous avons envie d’une seule chose lorsque c’est bien fait : acheter.
- La famille et le couple : ce sont des lieux d’hypnose très forts et pourtant non conscientisés. Nous sommes souvent en transe de régression, à rejouer les mêmes schémas avec nos parents ou notre fratrie. As-tu jamais remarqué comme les rôles et les situations se répètent ?
- Notre propre mental : le voilà le plus grand hypnotiseur de tous les temps. Dans notre tête a lieu en permanence un discours d’auto-hypnose extrêmement puissant dont il est compliqué de sortir. Nous croyons toutes ces pensées pour vraies et c’est pour ça qu’elles influencent considérablement notre humeur et notre bien-être.
- Il y a bien d’autres formes d’hypnose : les réseaux sociaux, les médecins, les amis, les groupes religieux, les sectes…
Avec ces quelques exemples (qui ne se veulent pas exhaustifs), tu vois bien que l’hypnose est omniprésente et dans ces contextes, nous le payons à nos dépends.
Nous ne sommes pas vraiment libres de nos comportements car hypnotisés par des médias qui nous incitent à nous vacciner, à voter pour telle personne, à acheter tel objet…
Factuellement, la plupart d’entre nous fonctionnent en mode automatique toute leur vie.
Certains appellent ça le métro-boulot-dodo, d’autres la rat race.
S’il y a bien un film qui illustre parfaitement ce fait, c’est “un jour sans fin”.
Maintenant, tu as peut-être envie de reprendre ton pouvoir et redevenir souverain de ta vie ?
Même si ce n’est pas tout noir ou tout blanc, parce que ce n’est pas MAL d’être en hypnose, il ne faut pas tout prix chercher à sortir en permanence de cet état, d’ailleurs ce n’est pas possible. Mais si tu souhaites regagner du libre arbitre, de la liberté de décision, que tu souhaites reprendre les rennes, alors tu es au bon endroit.
Mode d’emploi pour se déshypnotiser
Se déshypnotiser, c’est sortir de l’ornière du Système 1, c’est commencer à mettre notre attention sur le champ des sirènes de cette hypnose omniprésente.
L’idée n’est pas de supprimer l’hypnose de notre vie (c’est impossible), mais de développer une lucidité pour éviter d’en être une victime non consentante.
Comment faire ?
Je propose un plan en 4 étapes pour y arriver.
Avant de les détailles, il est nécessaire d’évoquer THE outil le plus puissant et le plus efficace pour se déshypnotiser.
Cet outil est la méta-cognition.
En langage compréhensible, ça signifie “être conscient d’être conscient”. Ce n’est pas une dissociation (qui est encore de l’hypnose).
C’est ouvrir l’œil de l’observateur en nous. A chaque instant, nous avons la possibilité de nous mettre dans la posture du témoin, la partie de nous qui est capable de tout voir et tout observer. Certains l’appellent l’Être ou le Soi profond. Bref, c’est cette présence attentive que je peux allumer à chaque instant.
Il n’y a rien faire pour cela. Le meilleur moyen de s’y connecter est juste d’arrêter de faire. Arrêter et observer.
C’est vraiment la clé pour sortir de l’hypnose quotidienne : créer de l’espace.
Au plus la situation est intense émotionnelle, au plus c’est difficile.
Simplement, quand nous sommes dans des relations à forte composante hypnotique comme le couple ou la famille, nos réactions égotiques sont très vivaces et renforcées pendant des années et des années.
Gardons à l’esprit que l’ego est le plus grand des hypnotiseurs, il nous raconte des histoires sur nous mêmes et sur les autres, et plus l’empreinte émotionnelle est forte, plus nous croyons que c’est réel.
Ceci étant dit, voyons 4 grandes étapes pour se déshypnotiser :
1. Être au clair avec ton intention.
Pourquoi tu veux te déshypnotiser ?
De quelle intention ça part ?
Quel est le prix à payer pour ça ?
C’est une démarche exigeante qui demande de la répétition et qui est aux antipodes du fonctionnement du Système 1.
C’est coûteux en énergie, ça va à l’encontre des biais cognitifs et surtout ça risque de remettre en question qui tu crois être.
Parce que l’hypnose la plus profonde, c’est le sentiment d’identité, d’être cet humain avec ce nom, cette nationalité, ce corps…
Et quand nous prenons du recul sur cette transe lourde, cette identité peut vaciller lorsque nous réalisons que nous sommes bien plus vastes que cela.
Autant te dire que tu as plutôt intérêt à être au clair sur le pourquoi de ta démarche.
2. Muscler ta méta-cognition.
Tu l’as compris, c’est LA compétence à développer.
Apprendre à regarder, à se regarder, de façon transparente et objective.
Peu importe ce que tu fais, tu peux toujours réserver 10% de ton énergie à la méta-cognition. L’idée est de garder dans un maximum de situations cet œil de l’observateur.
Tu peux observer ce que tu ressens, ce qui te traverse, tes pensées, tes idées, ce que tu dis, ce que tu fais.
C’est très riche d’enseignements et ça aide pour la 3ème étape.
Ta méta-cognition peut aussi être un garde-fou qui s’allume lorsque tu sens que quelqu’un est en train d’essayer de pénétrer ton système.
Comment le savoir ?
Tu sens que ça bouge dans ton corps, tu peux sentir un malaise, une pression.
Ce symptôme est une alerte, à toi de fermer les écoutilles si tu vois qu’il y a tentative de manipulation, que ce soit par une pub ou une discussion.
3. Repérer les boucles
Quand on est dans un mode automatique, des boucles se répètent.
Avec une personne avec qui nous rejouons sans cesse les mêmes scénarios.
Avec notre schéma d’addiction sur le sucre, le chocolat ou les réseaux sociaux.
A ce stade, nous pouvons observer les boucles dans nos vies.
Qu’est-ce qui se répète de façon automatique encore et encore ?
Un schéma de fuite ?
Un schéma de justification ?
Un schéma de victimisation ?
Au départ il est bien plus aisé de le voir après coup, car comme je le disais, la transe lourde induite par l’ego rend difficile l’observation de ces boucles dans l’instant.
C’est comme le chien de Pavlov : dans une boucle, le stimulus entraîne la réponse, et insérer un espace de conscience à cet endroit peut être ardu !
Avec la répétition et l’entraînement, dans des contextes simples (manger, se doucher, marcher…) puis de plus en plus complexes (discussions en famille, engueulade de couple…), nous finissons par y arriver.
Pour repérer les boucles il est intéressant de regarder les personnes, les lieux, les heures, les circonstances, qui reviennent encore et encore.
4. Se prendre sur le fait
Le niveau suprême, c’est de se voir en train de faire.
L’autre me fait une critique, je vois dans mon corps que ça bouillonne, signe de la colère. Je vois que j’ai envie de lui répondre quelque chose qui entacherait la qualité de la relation.
Dans cette lucidité, je peux respirer, accueillir l’émotion en moi et l’exprimer sans tout détruire avec une parole qui dépasserait mon ressenti.
Je peux tout à fait être incisif et utiliser un ton colérique, mais ça ne part pas de la réaction viscérale, c’est fait en toute conscience.
Et ça change tout, car je ne suis plus le pantin de mes schémas.
Se prendre sur le fait permet d’emprunter un nouveau chemin et agir différemment.
La boucle est un sillon neuronal tellement emprunté que c’est comme une autoroute. Notre Système 1 va préférer souvent aller dans cette direction.
Utiliser le Système 2 à l’avenir demande du glucose cérébral, c’est comme arpenter un nouveau chemin à travers les bois, avec un machette pour débroussailler.
Il va falloir passer un bon nombre de fois avant d’automatiser ce nouveau fonctionnement.
Un outil très utile pour faciliter ce changement, c’est la permission.
Ca permet réellement de favoriser le nouveau comportement au détriment de l’ancien.
Se déshypnotiser, le chemin d’une vie
Qu’on s’entende, le chemin de la déshypnose n’est pas un moyen d’arriver quelque part.
Il se suffit à lui-même.
C’est à chaque instant qu’il nous apporte plus de clarté et de lucidité.
Il n’y a pas d’endroit où arriver, pas de but, pas d’enjeu.
Simplement, si tu désires vraiment vivre plus en conscience et sortir a minima du mode automatique qui te maintient en hypnose quasi-permanente (et qui te rend donc très manipulable par tout hypnotiseur, du président au marketeur).
Dans cette démarche je t’invite à beaucoup de douceur envers toi-même, à éviter l’auto-critique ou le jugement, même quand tu retombes dans tes schémas automatiques.
Il n’y a pas de but à atteindre donc aucune pression à se mettre.
A chaque instant tu peux te demander : pilule bleue ou pilule rouge ?