Les émotions font souvent office de bouc émissaire dans nos sociétés modernes. On valorise les personnes stoïques que rien ne touche, qui ont une humeur constante. Pourtant les émotions font partie de notre vie et sont absolument indispensables. Nous allons voir ce que la psychologie peut nous apprendre sur les émotions de base et ce que ça implique.

Alors si tu es mal à l’aise avec tes émotions, que tu cherches à les gérer, continue ta lecture.

1. Introduction aux émotions

Dans le monde moderne existe une contrée perdue dans laquelle peu de gens osent mettre les pieds. Et pour cause, c’est un pays où tout est instable, rien ne dure vraiment, ça va, ça vient. Impossible de s’accrocher à quoi que ce soit. Aucune prévisibilité et aucun contrôle possible.

Forcément, ça en désarçonne plus d’un.

La plupart des humains passent le moins de temps possible dans ce monde, d’autant plus que depuis tout petits, nos parents nous incitent à ne pas aller dans ce monde dangereux. Je veux bien sûr parler : du monde des émotions.

Dans une société où tout est lisse et normé, de la pomme bien calibrée à l’iPhone 12 en passant par le code de la morale et la politesse, les émotions ne sont pas les bienvenues.

En particulier celles qui sont trop bruyantes ou trop dérangeantes, comme la colère ou la tristesse.

Ce sacrifice de nos émotions au service du groupe et de la société ne vient pas sans désagrément. Le prix à payer est lourd comme tu vas le voir dans cet article.

1.1 Définition des émotions

Pendant l’essentiel de ma vie, j’ai vu les émotions comme une Terra Incognita, comme un monde très complexe, une sorte de grotte sombre dans laquelle on ne voit rien. En grandissant, je prends conscience de la préciosité de ces émotions et de leur rôle absolument capital pour l’équilibre de l’être humain. Ensemble dans cet article, nous allons recouvrir l’essentiel de ce que tu dois savoir sur les émotions.

Sans plus attendre, qu’est-ce qu’une émotion ?

L’émotion est une réponse biologique en réponse à un stimulus.

Son étymologie nous renseigne sur sa nature : émotion vers de ex-movere. Par essence, l’émotion est une énergie centrifuge qui naît dans le corps et est destinée à sortir. L’émotion, c’est de la vie en mouvement.

Nous cherchons souvent à comprendre l’émotion, à l’interpréter, l’analyser : ça revient à parler russe à un français. Emotion et pensée parlent 2 langages différents. L’émotion est là pour être vécue et accueillie, pas comprise ou mentalisée.

Dans le monde des émotions, rien n’est stable, logique ou compréhensible, par définition.

1.2 Importance des émotions dans la vie quotidienne

L’émotions nous séparent du robot. L’émotion nous permet de lire sur le visage de l’autre son état émotionnel, on anticipe. Les neurones miroirs nous permettent de ressentir dans quelle émotion l’autre se trouve.

Les émotions ont une place prépondérante pour peu qu’on ait conscience de leur utilité dans notre équilibre.

Elle a 4 rôles importants :

  • Les émotions ont un rôle d’indicateur qui nous informe à l’instant t du niveau de satisfaction ou d’insatisfaction de nos besoins. Ainsi, une tristesse peut pointer un besoin de reconnaissance non rejoint. Quelques exemples non exhaustifs : La colère signale que mon besoin de justice ou de respect est transgressé. La peur signale que mon besoin de sécurité ou d’appartenance n’est pas nourri. La tristesse signale que mon besoin d’amour est frustré.
  • Les émotions ont un rôle de révélateur : elle permet de mettre de la lumière sur une part de moi qui est inconsciente, tapie dans l’ombre de ma psyché. Ainsi, une tristesse peut révéler qu’il y a un endroit en moi où je ne suis pas allé voir. Un petit enfant que je n’ai jamais pris le temps de regarder et d’écouter, par exemple.
  • Les émotions ont un rôle de soupape qui permet de décharger, de libérer une tension ou un stress présent dans le corps. Bien des gens déchargent leur colère au volant de leur voiture par exempe. Gardons bien à l’esprit ce rôle car nous comprenons de fait le problème majeur de contenir ses émotions. Quand nous luttons contre nos émotions, elles ne remplissent plus leur rôle et la pression peut s’accumuler jusqu’à un trop plein. Et nous savons très bien ce que fait une cocotte minute qui explose : pas beau à voir !
  • Les émotions ont un rôle moteur : elles nous mettent en mouvement pour prendre soin de nos besoins. Par exemple, la peur peut me rendre plus vigilant pour observer mon environnement et nourrir mon besoin de sécurité.

C’est là où nous comprenons que sans une présence attentive à nos émotions, nous pouvons vivre de sérieux problèmes dans notre vie, car il nous manque cet indicateur, ce révélateur, cette soupape et ce moteur.

Les émotions, c’est la vie qui se meut en nous ! Nous n’avons pas à les contraindre ou à les empêcher, elles sont totalement justes et légitimes.

Seulement, comme nous n’avons pas évolué dans un environnement sécurisant qui soutient le vivant en nous, on a appris diverses stratégies perverses pour ne pas vivre nos émotions.

2. Les émotions de base

Les travaux de Paul Ekman

Paul Ekman est un psychologue américain né en 1934 et décédé en 2022. Son travail a été très influent dans le domaine de la psychologie du visage. Il est surtout connu pour avoir développé la théorie de l’expression des émotions. Cette théorie affirme que les expressions faciales des émotions sont universelles et peuvent être reconnues indépendamment de la culture ou de la langue.

Ekman a passé une grande partie de sa carrière à étudier les expressions faciales et les émotions. Il a mené de nombreuses recherches sur le sujet, notamment en étudiant les expressions faciales de personnes de différentes cultures.

Les 4+2 émotions de base

Les émotions de base sont au nombre de quatre :

  • La joie : c’est l’état de base de l’être humain dont les besoins sont satisfaits. Cette émotion se vit au présent, on se sent comblé et épanoui.
  • La colère : la colère est le signe d’un besoin insatisfait dans le présent. Ca va toucher à nos limites, à notre besoin de justice, de respect. Elle fait aussi partie des émotions extrêmement réprimées dans la société moderne où rien ne doit dépasser du cadre. Par essence la colère est une énergie forte, qui met en mouvement. Elle n’est souvent pas la bienvenue. Cette émotion est ancrée dans l’ici et maintenant, en lien avec notre centre instinctif.
  • La peur : elle est le signe d’un besoin insatisfait en lien avec l’anticipation du futur, elle est souvent liée à un besoin de sécurité ou de survie. Elle alerte sur les dangers réels ou potentiels. Cette émotion est orientée futur et en lien avec notre centre mental.
  • La tristesse : elle est en lien avec une perte, un besoin non satisfait, elle invite à lâcher quelque chose. C’est une énergie plutôt tombante. Cette émotion est orientée passée et en lien avec notre centre émotionnel. Elle fait partie des émotions que nous pouvons mettre sous le tapis car pas forcément bien vue selon le contexte socio-culturel (qui se cache souvent derrière la honte par exemple).

Selon les auteurs, il peut y avoir plus ou moins d’émotions. Paul Ekman rajoute le dégoût et la surprise.

On peut distinguer des émotions primaires et des émotions secondaires : A la manière des couleurs, les émotions primaires sont les briques de base de toutes les autres émotions. Toutes les émotions secondaires sont des agrégations des émotions de base.

Les émotions dans l’enfance

L’enfant peut vivre un panel d’émotions très différentes en quelques minutes : de la joie à la tristesse en passant par la colère. Si nous observons bien un enfant (avant qu’il ait été conditionné), ses émotions sont très courtes. Ca ne dure jamais plus de quelques minutes. Une émotion est spontanée, fugace, inattendue. Elle est une réponse de notre être à son environnement.

5 stratégies inefficaces et dangereuses avec les émotions

1. Gérer ses émotions, vouloir les contrôler

Dans le développement personnel on entend souvent l’expression “gérer ses émotions“. C’est une absurdité totale. Comme s’il fallait les gérer, à la manière d’un dossier en cours ou d’un client ! La gestion d’émotion est un mythe, il n’y a RIEN à gérer, nous verrons ça juste après dans la dernière partie. Gérer une émotion, ça n’existe pas. Ca revient à essayer de saisir de l’eau avec ses mains. Je t’invite à essayer pour réaliser l’absurdité de cette tentative.

Gérer ses émotions, c’est chercher à les contenir car nous avons peur d’être submergés. C’est parce que c’est intense qu’on a besoin d’empathie.

2. Fuir voire enfouir ses émotions

Un grand classique ! Cette stratégie de fuite ou carrément d’anesthésie des émotions est extrêmement toxique. C’est symptomatique du blocage émotionnel.

J’ai été expert de cette stratégie pendant longtemps, à coup de chocolat et de jeux vidéo. Si on voit les émotions comme quelque chose d’inadéquat et de gênant, on fait en sorte de ne pas les vivre et les fuir.

Tout est bon pour ça : manger, scroller sur un téléphone, regarder la TV, faire du sport, travailler, se masturber, prendre une substance type alcool ou drogue pour modifier mon état…

Le monde moderne ultra-dopaminé regorge de possibilités pour s’anesthésier et ne pas ressentir, c’est pourquoi il est dangereux, d’autant plus que se fuir via tous ces stimuli est considéré comme normal aujourd’hui.

3. Sur-analyser ses émotions

Lorsqu’il y a une émotion, nous pouvons avoir le réflexe de vouloir l’analyser, la comprendre et donc traiter avec le mental quelque chose qui relève normalement du ressenti.

“Mais pourquoi est-ce qu’il m’a dit non ? Qu’est-ce que j’ai dit ? Encore une fois je me fais rejeter…”

Tu te doutes bien que ce n’est pas avec la tête que nous allons vivre nos émotions. C’est souvent typique des profils de personnalité qui surutilisent le centre mental, pouvant aller jusqu’à la dissociation.

4. Faire comme si elle n’était pas là

Le déni est aussi une stratégie perdante à long terme. Autant ça peut être soulageant à court terme de l’éviter, mais ça reste une mauvaise idée.

On peut se faire croire qu’on ne ressent rien, on peut ne pas écouter le corps qui parle, à nos risques et périls.

Nous avons parlé des différents rôles de l’émotion, ne pas l’écouter c’est se couper du message qu’elle véhicule. Si je fais pareil avec le courrier que je reçois chez moi, je risque d’avoir des problèmes, de ne pas payer des factures à temps, de voir arriver les huissiers… C’est sûr que c’est plus confortable à court terme de ne pas ouvrir le courrier des impôts, mais il ne disparaîtra pas. Le déni est vraiment dangereux.

5. Résister à ses émotions

Lorsque l’émotion nous traverse, il est courant d’y résister, de ne pas vouloir plonger dedans, de ne pas l’accueillir. Surtout lorsque, enfant, nos éducateurs nous ont habitué à nous couper de cette émotion, à coup d’injonction “ne pleure pas, ce n’est pas grave”, “t’es pas une fillette”, “allez reprends-toi”… Autant de paroles d’une violence inouïe, qui programment l’enfant à ne pas vivre ce qu’il a en lui et à sacrifier cette part de son psychisme.

Dans cette résistance, il y a l’idée du contrôle, de la non acceptation, ce qui est tout le contraire de ce que l’émotion a besoin pour sortir.

3 clés pour bien vivre tes émotions

1. Il n’y a rien à faire si ce n’est accueillir les émotions

Le travail sur les émotions est un non travail, il n’y a aucune action à poser ou processus en 17 étapes à exécuter. L’émotion arrive dans le présent, il n’y a rien à faire par rapport à ça. Ca se passe tout seul, dans l’instant, j’ai surtout à arrêter de faire. C’est la base de l’auto-empathie.

M’arrêter, me poser et m’autoriser à accueillir ce qui me traverse. C’est un non travail, il n’y a rien à faire si ce n’est être présent.

Par nature, une émotion est fugace et ne dure pas. Le monde des émotions est profondément changeant.

Regarde un enfant : Il est la vie, il vit la joie au jardin d’enfant quand il s’amuse, puis il pleure quand il tombe un genou au sol et rit quand son papa lui fait des grimaces. Ca ne dure pas, c’est l’incarnation quotidienne de l’impermanence.

En moins d’une minute, un enfant peut passer par 3 émotions différentes.

Ainsi, l’émotion que nous ressentons a juste besoin d’être accueillie dans un espace intérieur assez large pour ça.

2. Aller chercher la partie de toi réprimée

L’émotion peut être le signe d’une part de moi qui a été contrainte et bloquée. Ainsi, cette tristesse que je peux ressentir n’a rien à voir avec la situation présente. Cette tristesse peut simplement être celle de Fabien, 6 ans, qui a été puni par la maîtresse ou qui s’est retrouvé seul dans la cour de récréation.

En cet instant, je ne suis plus Fabien, l’homme de 31 ans, mais bien l’enfant de 6 ans qui est toujours en moi aujourd’hui. En m’autorisant à ressentir cette émotion, à la laisser me traverser, je libère le petit Fabien qui n’a jamais eu l’occasion de vivre pleinement cette tristesse.

Les traumas que nous avons vécu, les blessures de notre vie, l’éducation parentale et l’environnement sociétal font que nous nous interdisons de vivre certaines émotions, nous avons fermé la porte à double tour sur certains sujets.

Pour ces raisons, il y a certaines émotions que nous réprimons plus que d’autres : pour certains c’est la joie, d’autres la tristesse ou encore la colère.

Il y a des familles qui répriment la tristesse, d’autres plutôt la joie ou la colère. Certaines sociétés répriment totalement l’expression des émotions, notamment en public, comme on peut le voir au Japon.

A chacun de s’observer pour voir comment il a décidé de filtrer ce qu’il autorise et ce qu’il n’autorise pas. Ne jugeons pas, n’ayons pas d’avis sur notre fonctionnement, nous sommes juste humains.

Nous avons tous une partie de nous blessée, qui a réprimé ses émotions suite à un trauma : conflit, rupture, deuil, viol, abandon… Il n’y a pas que les événements violents qui créent des traumas puisque c’est surtout la perception. L’enfant qui s’est perdu 5 minutes dans le supermarché peut fabriquer un trauma, tout comme l’enfant qui a été frappé.

Voilà pourquoi la libération émotionnelle peut être extrêmement puissante. Si tu sens que tu as un blocage et qu’une partie de toi est sous le tapis, tu peux jeter un œil par ici.

3. L’émotion ne dit rien sur la réalité mais sur ma réalité

L’émotion est une réaction spontanée à ma perception du réel. Si je me mets en colère parce qu’un conducteur me coupe la route, ça parle de moi, pas de lui. Puisqu’une autre personne aura peur, une autre rigolera…

Je peux ressentir de la colère, de la peur, ou juste être totalement indifférent. Ma perception est mon choix, c’est de ma responsabilité.

Par conséquent, il est intéressant de voir que cette émotion m’appartient et en dit long sur moi et ma façon de voir le monde.

Le réel n’existe pas en dehors de mon propre regard.

Ainsi, en regardant le monde, je me regarde moi-même.

En observant le monde, en voyant les pensées et les émotions qui me traversent, je fais simplement l’expérience de moi. Et je n’ai rien d’autre à faire que ça : être présent à ce que je vis au moment où je le vis, sans vouloir vivre autre chose.

C’est ainsi que je connais la paix, dès lors que je ne cherche plus à vivre autre chose que ce que je suis en train de vivre dans l’instant.

Comment exprimer ses émotions

Il y a souvent une confusion entre l’expression des émotions et la libération des émotions. Cela n’a rien à voir !

La libération émotionnelle ne nécessite pas la présence de quelqu’un. Le travail sur les émotions se fait tout seul, la matrice OSBD est une excellente façon de mettre de la clarté sur notre réalité.

Nous pourrions résumer le “travail” des émotions à 3 phases :

  • La phase mentale consistant à mettre de la lumière sur ce qui se joue en nous, qu’est-ce qui a créé l’émotion, d’où ça vient…
  • La phase émotionnelle consistant à vivre l’émotion, à la laisser nous traverser jusqu’à arriver à une neutralité.
  • La phase instinctive consistant à poser un acte, exprimer à l’autre ce que nous avons vécu.

Les problèmes relationnels commencent quand on passe directement à la phase instinctive en déversant sur l’autre nos émotions, sans les assumer, sous forme de jugement, de critique.

Tant qu’il y a de l’intensité émotionnelle en nous, mieux vaut ne pas chercher à exprimer quoi que ce soit. Rappelle-toi que la libération émotionnelle et l’expression des émotions n’est pas la même chose, ce sont 2 temps différents.

J’espère que cet article t’aura permis de faire ami ami avec tes émotions pour ne plus les mettre sous le tapis ou t’en rendre compte quand tu le fais !

5/5 - (1 vote)