En psychologie, l’ego est un concept qui devrait intéresser toute personne en quête d’épanouissement personnel. L’ego est vu comme l’ennemi d’une démarche de développement personnel ou spirituel. Certains prônent la mort de l’ego, d’autres sa destruction. Il n’est d’ailleurs pas ce que l’on croit, comme tu vas le découvrir dans ces lignes.

Au fond, qu’est-ce que l’ego ? Se libérer de l’ego est-il une bonne idée ? Si oui, comment s’y prendre ?

Ego : une définition atypique

Quand on parle d’ego, on imagine un « faux soi », une identité de surface, une personnalité que l’on montre au monde avec derrière un « vrai soi » avec lequel il faudrait renouer en tuant l’ego.

Ego vient du latin “ego” qui signifie simplement… “je, moi”. L’ego est vu comme une entité à part entière et c’est bien là le piège de la sémantique. Alfred Korzybski, père de la sémantique générale, nous rappelle que la carte n’est pas le territoire.

L’ego n’est pas quelqu’un, ce n’est pas une entité tangible, ce n’est pas palpable.

Le processus par lequel l’être humain se perd lui-même dans des stratagèmes de survie s’appelle l’ego. Notre énergie vitale est comme absorbée dans une seule direction, prévisible et répétitive, ce qui nourrit l’ego et le renforce.

L’ego est une invention de la Nature qui permet de mettre dans l’ordre dans le chaos. Comme le dit Stephen Wolinsky “Tous les systèmes psychologiques sont nés de la résistance au chaos ou d’une tentative d’organisation du chaos.”

À la naissance, le système nerveux de l’être humain est trop immature pour appréhender la réalité, complexe et chaotique. L’ego apparaît comme salutaire car il permet de filtrer les informations et fonctionner à l’économie de sorte à pouvoir survivre dans une réalité insaisissable.

En effet, un être humain n’est pas fait pour percevoir la réalité dans sa totalité mais pour faire persévérer sa pulsion biologique de (sur)vie afin de transmettre ses gènes. La vie est là pour s’entretenir elle-même.

L’ego permet :

  • D’économiser de l’énergie
  • D’agir rapidement
  • De simplifier le réel
  • D’avoir une identité, le sentiment d’un “soi” séparé du reste

Maintenant ce mécanisme de survie fait que l’être humain se confond avec son ego, il croit être seulement ça : cela donne naissance dès le plus jeune âge à la personnalité, le personnage auquel on joue tous les jours.

C’est ce qu’on appelle la transe d’identification où le tout se résume à une partie. En gros, imagine une pizza qui est certaine d’être seulement la mozzarella et qui occulte la pâte, la sauce tomate, les olives, le parmesan…

Le drame est que cette confusion “être = ego” implique la disparition de toute vie intérieure, de toute possibilité de prendre la vie en dehors de cet état de tension obsédé par la sauvegarde du “moi”.

L’ego métamorphe

Les limites de l’ego

“La folie, c’est la confusion entre les choses et ce qui les représente” Alfred Korzybski

L’ego EST cette transe d’identification (à l’un des 3 centres) entremêlée d’autres transes hypnotiques, donnant l’impression solide d’un « moi ». Cette pour cela que nous avons l’impression d’être quelqu’un et que nous tenons particulièrement à cette identité. C’est pour cela que nous battons avec les autres pour avoir raison, que nous critiquons, argumentons. C’est pour cela que nous avons peur de la mort, peur de disparaître.

Qui a peur si ce n’est l’ego ?

Seul l’ego est ancré dans la notion de temps avec un début et une fin. La Vie ne connaît pas de fin, elle suit son cours à chaque instant. Vie et mort sont la même chose, 2 énergies d’un même continuum, comme le jour et la nuit, c’est l’illusion d’une opposition. On fige le processus à un moment donné en y mettant un mot. A bien y regarder, il n’y a que la Vie.

Le lion tue la gazelle puis la mange. La gazelle nourrit le lion, les vers de terre, le sol, le réseau de champignons, les vautours… Elle entretient la Vie. La mort est aussi la Vie.

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme, comme disait Lavoisier.

Seul l’ego humain peut projeter des jugements moraux sur des processus naturels. “Pauvre gazelle, le lion est si violent.” “Si seulement le lion était vegan, tout irait bien.”

Sapiens, du haut de son encéphale, émet des avis sur la vie qui était avant lui et sera après lui, cette même vie qu’il craint tant par son impermanence. L’humain a tellement peur de disparaître et de mourir que l’ego se bat comme un beau diable pour continuer d’être, comme tout système. Parler en ces termes donne l’impression que l’ego est vivant, qu’il est quelqu’un… Il n’en est rien.

L’ego est un processus figé, comme une paire de lunettes qu’on a sur le nez, qui conditionne TOUT ce que l’on voit et dont on oublie qu’on regarde tout le temps à travers. Il est un très mauvais maître, car quand il pilote il fait toujours plus de la même chose, renforçant le déséquilibre.

L’ego œuvre dans le monde de la dualité, donc plus il s’active, plus il s’éloigne de la réalité telle qu’elle est et crée de la souffrance.

Ses mécanismes sont toujours les mêmes, d’où l’importance de connaître notre fonctionnement pour se “rappeler à soi” comme disait Gurdjieff. L’ennéagramme référence 9 familles d’ego, avec des mécanismes identiques dans chaque famille. Ces mécanismes permettent de comprendre notre ego et le repérer quand il s’active.

L’ego n’est pas un ennemi, simplement il vaut mieux qu’il ne soit pas le maître à bord. Evidemment, il a son utilité puisqu’il permet d’être en lien avec notre survie.

De l’egotrip…

“Y a que quand j’suis premier que j’reste à ma place” Nekfeu

Dans le monde du rap, le terme d’egotrip désigne le gonflement égotique d’un individu.

L’egotrip peut être une démarche salvatrice au début d’un parcours de développement personnel, quand tu te trouves nul, que tu as l’impression de ne rien savoir faire, que ton estime de soi est au niveau des pâquerettes, que tu es enfermé dans un carcan de croyances et que tu t’inhibes en permanence, t’excusant de vivre…

Tout à coup tu ouvres un livre d’Anthony Robbins ou de Napoleon Hill et tu découvres des nouvelles façons de penser. Tu découvres que “tout est possible”, que tu peux sortir de sa condition de concombre de mer, que tu peux devenir riche, heureux et musclé !

Avec l’egotrip viennent le coaching, les affirmations, les mantras, la visualisation, les techniques pour optimiser son potentiel, gagner confiance en soi et en estime de soi, sortir de sa zone de confort… Tout est bon pour s’améliorer, être la meilleure version de soi-même…

Après avoir été enfermé dans un cadre familial et social trop étroit, tu commences à explorer le monde, à penser par toi-même, tu deviens plus narcissique et ton sentiment d’être quelqu’un d’important grandit. Ton ego, alors gonflé, tu as l’impression d’être quelqu’un d’important, d’être meilleur, supérieur, que tous ces gens qui ne lisent pas de développement personnel, qui sont salariés, pauvres et qui regardent le JT à la télévision. Typique de l’écosystème autour du coaching, de la PNL (J’en ai fait partie.)

Cette phase de construction identitaire où tu fais des tractions avec ton ego permet de développer une stabilité psychique (toute relative), de devenir enfin quelqu’un. Cette confiance en soi et cette estime de soi sont nécessaires au développement humain, ça fait partie du voyage.

…A l’ego spirituel

À un moment donné l’egotrip devient superfétatoire et tu peux basculer dans le monde spirituel, à vouloir être t’élever et devenir éveillé.

L’ego évolue lui aussi et change les priorités, en deça de ton seuil de conscience (encore plus si tu ne te connais pas).

Alors certaines personnes deviennent illuminées, se croient au-dessus de la matière car avec des valeurs plus nobles, déconnectées du monde matériel, si vile et superficiel. L’ego spirituel est très bien caché pour celui qui ne veut pas se voir à cet endroit là : c’est “l’ego de ne pas avoir d’ego”. C’est là le grand danger.

Ça peut jouer au gourou, être de blanc vêtu, faire des méditations, parler doucement, montrer une apparence de bienveillance, discourir sur la vie, l’univers et la physique quantique. Mais cela ne bernera que le voyageur fatigué car, quand tu creuses un peu, il n’y a pas grand chose. Il n’y a rien d’incarné chez quelqu’un dominé par l’ego spirituel : les mêmes mécanismes égotique sont à l’œuvre… Ce qui dépend donc du profil psychologique de la personne.

À force d’avoir nourri l’ego dans tous les sens, certains se sentent appelés par la démarche de désidentification de l’ego.

Vient alors la phase où il y a un appel de se rencontrer vraiment, de mettre l’ego à poil.

Rencontre du troisième type

Après avoir joué à s’améliorer et/ou à s’élever, peut venir la réelle rencontre avec soi-même, sans masque. À ce stade, on perd la plupart des gens, qui ont besoin de sauvegarder l’image qu’ils ont d’eux. Les mécanismes de défense psychologiques empêchent de se voir tel que l’on est et maintiennent dans l’illusion du personnage.

Cette rencontre de soi demande 3 qualités essentielles à mon sens :

  • Le courage d’aller explorer des recoins inexplorés de notre psyché
  • L’honnêteté de voir sa vérité intérieure sans masque
  • La bienveillance pour accueillir tout ce que l’on va découvrir

À ce moment-là, un travail avec l’ennéagramme peut être entamé et très vite l’ego est mis à poil, on voit clair dans notre jeu…

 

Le premier choc arrive quand on réalise qu’on n’est pas notre ego. Ca peut être en découvrant la méditation, la métacognition, dans un moment de présence, au détour d’un livre, d’une phrase… Ca nous tombe sur un coin de la gueule sans l’avoir créé consciemment. Un vertige nous prend : nous ne sommes pas ce que nous pensons être.

Les illusions tombent les unes après les autres :

  • Je ne suis pas ce que je pense être.
  • Je ne suis pas ce que j’aimerais être.
  • Je ne suis pas ce que les autres disent de moi.
  • Je ne suis pas ce que j’ai peur d’être.

La transe d’identification est ébranlée. “Mais qui suis-je bordel ?” peut être un questionnement qui survient, alors confronté à ce vide.

Forcément, quand tu enlèves quelque chose, il y a un vide derrière. Et ce vide, l’ego veut le remplir pour se sentir complet.

Tu noteras que “vouloir se sentir complet” revient à ne jamais l’être (classique de la course après la meilleure version de soi-même) alors que plonger dans ce vide revient à rencontrer sa plénitude… Coucou paradoxe !

La question qui se pose alors c’est : suis-je capable de créer assez d’espace en moi pour accueillir ce vide sans le remplir avec autre chose ?

NB : dans le monde du coaching et de l’amélioration de soi, la volonté est de remplacer une pièce pas OK (“croyance limitante”, “émotion négative”…) par une pièce OK (“croyance ressource”, “émotion positive”…). Quand j’ai été prêt à me rencontrer vraiment, j’ai réalisé à quel point vouloir se changer avec des outils relevait d’une violence inouïe et j’ai définitivement rompu avec ces approches aliénantes. Sans compter la vanité d’une démarche visant à améliorer une illusion : la personne que je crois être.

La découverte de ton type ennéagramme amène typiquement à ce premier choc et peut créer un séisme identitaire intense (d’où les 3 qualités précitées). 
NB : le premier point choc correspond au point 3 sur le schéma de l’ennéagramme.

Le deuxième choc arrive quand on commence à explorer à quel point on s’est fourvoyé sur ce qu’on pensait être et les implications que ça a. C’est un travail conscient qui peut être mené en investiguant notre ego, en explorant à quel point nous avons pu nous identifier à :

  • Un prénom et notre nom
  • Un visage
  • Un corps
  • Un travail
  • Une histoire
  • Un famille
  • Un couple
  • Un groupe social
  • Un pays
  • Un appartenance politique
  • Un religion
  • Un mode alimentaire
  • Un “je”
  • Un savoir

Au plus je chemine avec l’ennéagramme, au plus je réalise comment la transe d’identification est profonde.

L’ego se nourrit se cette illusion du “soi séparé”, avec un “sentiment fort d’identité” : la certitude d’être une personne. La conscience d’un soi séparé est, comme on l’a dit avec l’egotrip, naturelle dans le développement de notre psychisme.

Seulement, après la construction, vient le temps de la déconstruction, sans quoi on passe sa vie à courir après des chimères et on rate l’Essentiel.

Au plus tu as un sentiment d’identité fort, au plus tu vas partir en croisade pour défendre ton idéologie basée sur tes blessures égotiques, que ce soit le féminisme, le véganisme, le christiannisme, la France, ta propre histoire de vie,…

La transe d’identification est d’autant plus prégnante que nous avons une terreur absolue de “ne pas être”. Cette terreur peut être expérimentée par certaines personnes qui vivent une dissolution totale de l’ego sous psychédéliques par exemple, elles sont alors confrontées à la sensation de mourir. Tu peux imaginer ce que ça peut bouger dans une vie…

Tu commences ainsi à voir les paradoxes de l’ego : 1/ L’ego induit une peur de ne pas être… alors que dans la réalité, tu es. 2/ L’ego a très peur de mourir… alors qu’en étant sous le joug de ses mécanismes, tu es plus mort que vivant. 3/ L’ego renforce ce qu’il craint… en le craignant, ce qui renforce sa prééminence. 4/ Dans sa fuite en avant perpétuelle, l’ego repousse sans cesse ce à quoi il aspire.

En ce sens, l’ego est un peu comme un état : il est créé ex nihilo, il prend le pouvoir et justifie son existence, voire sa nécessité. Pourtant l’état, comme l’ego, n’existe pas : c’est une pure illusion de l’esprit, une sorte de délire.

Ce qui rend réel quelque chose qui ne l’est pas, c’est le simple fait d’y croire… Ca peut créer un premier séisme de le réaliser… C’est le premier pas de retour à la réalité.

“La réalité est ce qui continue d’exister lorsqu’on cesse d’y croire.” Philip K. Dick

Se libérer de l’ego

“La meilleure façon de purifier d’une eau boueuse est de la laisser tranquille.”Alan Watts

À ce stade tu pourrais te demander : “on fait quoi avec tout ça ?”

Pourquoi voudrais-tu faire quelque chose ?

Dans ce domaine, toute démarche volontariste basée sur un objectif est vaine.

Certains partent en croisade contre leur ego… Mais qui fait ça, si ce n’est l’ego lui-même ?

Le Réel/Dieu/l’Univers est Un et indivisible par Essence. Si quelque chose lutte contre autre chose, ça ne peut être que l’ego, se battant contre lui-même, car œuvrant dans le monde de la dualité.

C’est très bien illustré par l’Hydre de Lerne dans les 12 travaux d’Hercule. Quand tu coupes une tête à l’Hydre, il en repousse deux. Plus tu luttes contre l’ego, plus l’ego lutte contre lui-même et se “multiplie”, prenant toujours plus de place dans ta vie.

Une démarche peut simplement commencer par mettre de la conscience sur les zones de tension où l’énergie de vie est crispée : quels sont les sujets “indiscutables”, les mots/situations/comportements qui t’activent, qui stimulent tes zones de tension et de rigidité ? Ces zones de tension sont des endroits où nous nous sommes coupés de la vie, préférant cristalliser des certitudes.

Voilà qui peut être intéressant à observer, sans pour autant en faire un objectif, auquel cas on se figerait sur le fait de ne pas se figer… Encore l’ego qui joue…

Ce type de mise en abyme est omniprésent quand on commence à destituer l’ego et qu’on joue avec… Ca joue avec nous tout autant 🙂

Evidemment, prends du recul sur tout ce qui est écrit, le langage est terriblement limitant pour parler de ces sujets : “l’ego”, le “je”, le “nous”, qui parsèment ces lignes, n’ont rien de réel.

Il n’y a rien à faire en tant que tel. Que fais-tu pour favoriser l’auto-guérison du corps quand tu as la grippe ? Rien. Tu jeûnes, tu dors, tu laisses faire la nature.

Se libérer l’ego n’est pas une démarche volontariste. Il s’agit de faire jeûner l’ego… Pour ce faire, ça revient toujours à la même chose : la présence à soi, si nécessaire dans un travail d’intégration de la personnalité.

Comme je l’ai appris dans la méditation Vipassana : ni désir, ni aversion. Un regard neutre sur ce qui se joue en toi, la présence d’arrière plan que tu nourris, remet l’ego à sa place de serviteur.

L’ego gonfle quand tu le nourris, comme le ventre gonfle quand tu te bourres de levure, d’aliments fermentiscibles. L’ego étant un nœud de transes hypnotiques, il se renforce dès que tu quittes la présence.

Cette présence à tes sensations, à tes émotions, à tes pensées, à ta respiration, peut être nourrie à chaque instant de vie. L’ego est un compagnon de jeu, apprends à danser avec et à ne pas être dupe de ce qui se joue en toi…

… Tout ce que tu viens de lire est du vent, ce qui compte est ce que ça touche chez toi, endroit où ça t’invite à aller te rencontrer 🙂

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