Comment connaître son type de personnalité en ennéagramme ?
L’ennéagramme a tôt fait d’être réduit à une figure ésotérique sans fondement.
Pourtant, quiconque observe autour de lui peut constater sa pertinence concrète, empirique, en permanence !
Cela n’empêche pas d’adopter une posture scientifique dans l’ennéagramme.
Au contraire, c’est même souhaitable pour éviter tout un tas de compréhensions parcellaires et de raccourcis foireux.
Il est très facile de se faire happer par nos propres biais cognitifs dans l’utilisation du modèle de l’ennéagramme et d’en faire un usage superficiel voire complètement pervers, comme c’est le cas avec un test.
Alors, comment appliquer la méthode scientifique en ennéagramme pour trouver ton type de personnalité une bonne fois pour toutes ?
Système 1 et système 2, la clé pour trouver ton type ennéagramme
Avant de parler d’ennéagramme et plus spécifiquement de comment trouver ton type de personnalité, on a besoin de faire un détour par un concept clé en psychologie.
Si tu n’es pas familier des travaux de Daniel Kahneman sur les biais cognitifs, retiens seulement ceci.
Dans notre fonctionnement psychique, nous avons une pensée à 2 vitesses.
Le Système 1 est impulsif et intuitif, il est automatique, économique et instantané.
Le Système 2 est lent, rationnel. Capable de raisonner, il est prudent. Il arrive toujours après le système 1 et coûte de l’énergie.
On constate des différences qui y sont liées chez les individus : certains sont plus comme leur Système 2 ; d’autres sont plus proches de leur Système 1.
(Il y aurait même un Système 3 qui se rapprocherait d’une forme de méta-cognition et permettant de prendre du recul sur le Système 2)
Le Système 1 se déclenche automatiquement et involontairement, car il permet d’agir.
Sa volonté d’économie d’énergie fait qu’il est rapide et criblé de biais cognitifs.
On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre.
Ainsi, on a tous fait l’expérience de voir un bout de bois par terre, perçu comme un serpent au premier regard (ou expérience similaire).
On l’a vraiment vu, pourtant, quelques secondes après, on réalise que c’est un banal bout de bois inanimé.
Le Système 1 se déclenche et permet la survie :
Mieux vaut voir un serpent (même si c’en est pas un) et se carapater pour survivre, pour rien…
Plutôt que ne pas voir le serpent et se faire mordre, au risque de mourir.
Ainsi, les biais cognitifs ont été favorisés par l’évolution pour maximiser les chances de survie.
Notre cerveau est naturellement parano : il abhorre l’inconnu, généralise et se méfie de prime abord.
Le problème auquel on a à faire est le suivant : notre système 1 se déclenche en permanence sans nous demander notre avis. Question de survie.
Mais quel rapport avec l’ennéagramme et avec ton type de personnalité ?
J’y viens.
Le danger des heuristiques de pensée en ennéagramme
Quand tu croises quelqu’un en colère et franc du collier, et que tu as quelques bases en ennéagramme, ton système 1 s’empresse de se mettre en route et d’étiqueter comme si tu voyais un Pokémon sauvage :
“Oh, un type 8 de l’ennéagramme !”
Ensuite, un peu de bricolage fait le reste pour valider l’étiquetage initial et en déduire que cet énergumène est effectivement bien un profil de type 8.
Merci le biais de confirmation qui sélectionne tous les indices venant valider notre hypothèse.
Il est très facile de se faire croire qu’on n’a pas une hypothèse a priori et, dans l’ombre, valider au final ce qu’on croit du type ennéagramme de l’autre.
C’est le grand danger dans l’ennéagramme.
Chacun y va de son petit arrangement pour justifier l’intuition préalable du système 1.
C’est LE meilleur moyen de se foirer pour connaître son type ennéagramme ou connaître le type de quelqu’un. C’est aussi l’assurance de mal utiliser l’ennéagramme.
Combien de fois je suis tombé dans ce piège… Beaucoup trop.
Pour mon propre type ennéagramme, le biais de confirmation m’a mis dedans et j’ai cru à tort être de type 7 pendant plus de 5 ans.
Pour reprendre notre exemple ci-dessus, quelqu’un en colère et franc pourrait tout à fait être un type 1 qui fait face à quelqu’un qui ne respecte pas ses idéaux, un type 4 de sous-type sexuel en plein drame, un type 6 face à quelqu’un qui ne respecte pas son cadre…
Comme toujours en ennéagramme, se baser sur un comportement seul pour connaître le profil de personnalité est la garantie de se planter en beauté.
L’ennéagramme, c’est l’étude des tréfonds de la psyché, de la partie immergée de l’iceberg psychique qui pousse une personne à agir (les MOTIVATIONS).
C’est un modèle complexe, nuancé, qui demande de la prise de recul, de la réflexion et de la patience.
Voilà pourquoi je déconseille formellement de faire un test en ennéagramme, car cela a fortement tendance à activer le biais de confirmation et t’éloigner de qui tu es vraiment.
Comment éviter de tomber dans ses biais cognitifs pour trouver son profil ennéagramme ?
Comment éviter les heuristiques de pensée inévitables du système 1 ?
Cela commence par en avoir conscience, car cela se fait automatiquement.
Connaître un type ennéagramme (le sien ou celui de quelqu’un) demande un vrai travail de recherche et si tu aspires à te connaître vraiment, tu devras passer par là.
L'approche scientifique pour connaître le type de personnalité de quelqu’un (sans test)
Il s’agit avant tout de partir avec un esprit vierge en étant attentif à notre système 1.
Comme cela est difficile, si tu vois dans ton esprit l’hypothèse d’un type de personnalité en particulier, veille à la noter dans tes notes, car tu vas constater que ton psychisme, à des fins d’économie d’énergie, va vouloir valider cette hypothèse en première instance (rappelle-toi que le système 1 fonctionne tout seul en automatique)
La première étape est donc de ne PAS faire d’hypothèse sur ton type de personnalité (ni de test) ou d’être attentif à celle qui s’est formulée dans ton esprit pour ne pas être dupe.
Je m’explique : si tu poses l’hypothèse d’un profil ennéagramme après avoir discuté avec quelqu’un, vu une vidéo ou pendant un film… Tu vas de facto orienter ton cerveau pour valider cette hypothèse grâce à la formation réticulée (zone responsable de voir tout ce qui t’intéresse) à coup de biais de confirmation.
Le meilleur moyen de l’éviter, c’est :
1/ Noter cette hypothèse de type et être bien au clair que c’est une intuition émotionnelle, issue du système 1.
Ca ne veut pas dire qu’elle est fausse, mais il faut prendre beaucoup de pincettes et être rigoureux pour venir valider ou invalider l’hypothèse avec des éléments tangibles.
2/ De ne pas faire d’hypothèse de profil a priori et d’adopter une approche par la Via Negativa, en mode soustractif.
L’idée est simple : on va explorer les 9 types de personnalité de l’ennéagramme et les éliminer 1 à 1, en récoltant des indices permettant d’exclure les types non pertinents.
Tout ce qu’une personne émane est rempli d’indices et renseigne sur son type de personnalité :
– Ce qu’elle dit, ce qu’elle ne dit pas
– Ce qu’elle fait, ce qu’elle ne fait pas
– Son langage non verbal, son ton, sa posture
– Son énergie, l’intention perçue
– Ses émotions, sa peur profonde
– L’usage de ses 3 centres
– Ses priorités, ses zones d’ombre
– Sa vision du monde
Par exemple, l’absence totale d’émotions dans une discussion, un manque cruel d’empathie, une difficulté à se relier, un désintérêt des ressentis de l’autre, une rationalisation, (comme serait le cas d’OSS 117 par exemple), pourrait signifier un centre émotionnel réprimé.
Qui dit centre émotionnel réprimé (preuve à l’appui), dit une élimination de 2 types : le type 2 et du type 4 qui ont le centre émotionnel en centre préféré.
(et pas du type 3, car son centre émotionnel préféré bascule souvent et devient réprimé sous stress, pouvant créer de la confusion avec d’autres types).
Cette récolte d’indices va nous donner beaucoup d’informations sur l’utilisation des 3 centres.
Quel semble être le filtre premier de cette personne ?
Qu’est-ce qui, au contraire, passe à la trappe ?
Sent-on une énergie de colère ? De peur ? De tristesse ?
Les indices ne doivent pas être interprétés isolément, on doit faire une observation en “cluster”, comme dans l’analyse du langage non verbal.
À un moment, les différents indices s’agglomèrent pour aller dans une direction.
C’est ainsi que de plus en plus de types de personnalité parmi les 9 sont éliminés, pour en laisser 2 ou 3, voire un seul.
Quand il reste seulement quelques types de personnalité, on peut s’affairer à repérer les mécanismes égotiques des survivants : évitement compulsif, mécanisme de défense, passion (et contre-passion), fixation (et contre-fixation) et sous-types.
Tous doivent être visibles pour valider l’ennéatype.
Pour aller chercher de la finesse, on peut aussi repérer la contre-passion et la contre-fixation.
Il suffit d’observer l’absence totale d’un des mécanismes caractéristique du type pour éliminer un type de personnalité.
Par exemple, si j’ai à faire à quelqu’un qui me parle systématiquement de sa vulnérabilité, de ses problèmes, de ses peurs, sans gêne particulière, on peut éliminer de facto le type 8 car il n’y pas l’évitement compulsif de la faiblesse, ni le déni de cette faiblesse.
Ne va pas trop vite en besogne en éliminant un ennéatype car tu n’as pas vu la passion ou la fixation : les contre-mécanismes peuvent être présents !
Attention à ne pas être trop obsédé par les comportements en ennéagramme : s’ils peuvent donner des indices, ils amènent souvent sur une fausse piste.
Apprends à écouter derrière les mots, à sentir ce qui sous-tend les propos d’une personne, à voir d’où ça part chez elle.
À force, tu arriveras à deviner les motivations inconscientes et trouver son type de personnalité (ce n’est jamais une certitude, seulement ton interprétation de la réalité à travers tes propres filtres).
L’orientation est souvent visible : chez beaucoup de 7, tu verras cette propension à la joie et l’optimisme.
C’est globalement vrai mais spécifiquement faux.
Un type 7 qui manifeste beaucoup la contre-passion d’austérité, peut montrer peu de joie et d’optimiste, et par contre s’infliger beaucoup de contraintes et de discipline draconienne (pour être plus libre).
Cela pourrait faire penser à un type 1 en plein contrôle de lui : il n’en est rien.
Si tu grattes, tu retrouveras l’évitement de la souffrance, la rationalisation… Et donc les mécanismes d’un type 7.
D’où l’importance de se méfier de nos heuristiques de pensée et d’adopter une démarche rigoureuse et scientifique, au risque de faire n’importe quoi avec ce fabuleux outil de l’ennéagramme.
Ne te presse pas pour typer les gens, prends tout ton temps pour faire ce travail.
Si tu n’as pas assez d’éléments, ne conclus pas, permets-toi de rester dans l’indécision et le doute. Tu as toute ta vie pour apprendre à connaître le profil de personnalité des gens.
Et surtout, si tu penses connaître le type ennéagramme de quelqu’un, garde ton hypothèse pour toi !
Parles-en avec des proches avec qui tu étudies l’ennéagramme si tu le souhaites, comme objet d’étude, par contre ne dis pas à l’intéressé ce que tu crois être son type.
Au-delà d’être contraire au code d’éthique, ça revient à lui gâcher le plaisir, à le mettre dans une posture descendante et à influencer sa propre recherche.
Résumons l'approche scientifique pour trouver son type en ennéagramme
Méfie-toi de tes heuristiques de pensée relatives au système 1, ça peut t’induire en erreur quand tu désires connaître le type ennéagramme de quelqu’un.
Note ton hypothèse spontanée émotionnelle sur ton type ennéagramme, si tu en as une.
Procède par élimination en cherchant à invalider les types.
Relève les indices et recoupe ces indices pour trouver un faisceau d’indices allant dans une direction. Cela va t’amener vers un profil particulier.
Guette la moindre incohérence dans ton analyse : si tu as besoin de bricoler avec les ailes et les flèches d’intégration/désintégration pour justifier ton hypothèse, il y a des bonnes chances que tu te plantes.
Le type de base suffit à expliquer le fonctionnement d’un individu.
Attention : tu ne peux jamais être SÛR à 100% du profil de personnalité d’un individu sans lui avoir parlé, sans le connaître… Et même en le connaissant, l’erreur est toujours possible.
On peut avoir une hypothèse forte, gardons toujours une part de doute.
Pour certaines personnes, y compris des amis, j’étais certain de mon hypothèse et je me suis royalement planté…
Pourquoi ?
Parce que je suis parti d’une hypothèse a priori, motivée par mon système 1 qui a étiqueté l’autre et je me suis persuadé qu’il était de tel ennéatype à coup de biais de confirmation. J’étais sûr !
Et pourtant, je me suis planté quand même.
Je fais donc de plus en plus attention pour ne plus me faire avoir par mes propres biais.
Ainsi, l’approche scientifique de l’ennéagramme invite à l’ouverture, à accueillir l’autre dans qui il est, sans projection, en prenant conscience des biais cognitifs inhérents à notre système 1.
Non seulement cela t’aidera à mieux comprendre l’ennéagramme et à l’utiliser avec beaucoup de pertinence, mais aussi et surtout à t’ouvrir à l’autre.
Au final, c’est cela le plus important : te relier à l’autre, l’embrasser en toute altérité au-delà de son type, au-delà du modèle de l’ennéagramme et au-delà de ce que tu crois de lui, en le prenant tel qu’il est, ici et maintenant.