Quel est le point commun entre une poignée de mains, des applaudissements et un câlin ? Les trois concernent des cadres de référence en psychologie : cadre professionnel, cadre divertissant et cadre intime.

Le cadre de référence en psychologie

Cadre vient de quadrum “carré”, c’est la même origine que encadrer, cadrage et recadrage.

Au 18ème siècle, le cadre était un nom donné au tableau des emplois de service où était inscrit les noms des officiers et sous-officiers. Dans le temps, il a fini par s’appliquer dans l’administration, le management de l’entreprise… Il est intéressant de constater que le “cadre” est né dans un contexte mémétique Bleu dans le modèle de la spirale dynamique.

Le cadre de référence est un système de référencement psychologique auquel tout le monde a recours, il influence le jugement, le sens du comportement SOUS le seuil de conscience.

On parle de cadre de référence pour préciser l’endroit depuis lequel on parle, cela permet de recontextualiser un propos et d’éviter les généralités banales du type “le monde va mal” ou “tout le monde devrait faire ceci.”

Typiquement, chacun individu sur cette planète a son cadre de référence et cela est grandement influencé par la personnalité, le niveau de conscience, la culture…

Dans notre environnement quotidien, que ce soit en éducation, au travail ou lors de rencontres sociales, ces cadres influencent nos perceptions et nos réactions.

Dans les relations interpersonnelles, les tensions arrivent quand 2 cadres entrent en collision et les humains n’arrivent pas à se relier. “Puisque je te dis que le communisme est voué à l’échec !” dit Robert. “Pourtant on n’a pas le choix, on ne peut plus être égocentrés !” répond Jeannette. Jeannette a dans son cadre de référence le communisme en tant que solution absolue alors que Robert non. Il en résulte des débats, des envolées lyriques, parce que l’un et l’autre sont incapables de se relier.

Alors les deux comparses évoquent leur modèle du monde mais ils sont incapacbes d’écouter vraiment.

Les cadres de référence sont partout !

Un couple dîne aux chandelles au restaurant. On est dans un cadre intime. Tout à coup un individu armé entre dans le restaurant et menace les gens. On passe immédiatement à un cadre de domination/agression.

Le cadre sous-tend l’interaction. Ainsi, le cadre est fractal et s’applique à toutes les échelles : individuel, familial, local, culturel, national…

Par exemple, un rendez-vous de vente s’accompagne de tout un rituel inhérent au cadre professionnel : chemise voire costume, poignée de mains, vouvoiement…

Dans un autre contexte, le médecin en blouse blanche avec tout son attirail, crée un cadre thérapeutique où il reçoit des patients.

Pendant la seconde guerre mondiale, le régime nazi tenta d’imposer son cadre de référence avec une hiérarchie de valeurs entre les humains.

Dans la plupart des cas, l’interaction résulte d’une collision de cadres où le cadre le plus fort l’emporte. C’est fréquemment visible dans une soirée où quelqu’un monopolise l’attention, raconte ses histoires et tout le monde (ou presque) l’écoute. Celui qui contrôle le cadre contrôle l’interaction.

Le cadre est inhérent à toute relation interpersonnelle : cadre thérapeutique, cadre professionnel, cadre amical, cadre familial.

Tu peux constater des cadres différents selon le niveau de conscience de la spirale dynamique dans lequel tu baignes :

  • Cadre violet : tribu/hors tribu avec tabou, traditions.
  • Cadre rouge : la loi du plus fort qui impose son cadre.
  • Cadre bleu : règles, normes, interdits. Ceux qui le respectent sont récompensés, ceux qui le violent sont punis.
  • Cadre orange : faits, preuves, rentabilité.
  • Cadre vert : cadre horizontal englobant qui laisse à chacun l’espace pour exprimer sa subjectivité.

Attention, le terme “cadre” fait écho à une sémantique Bleu (vu qu’il est apparu dans ce contexte historique), ce langage n’est pas forcément pertinent pour d’autres niveaux de la spirale.

Le cadre change complètement la perception d’un fait brut. Ainsi, quand tu vois une entreprise qui affiche 80% de clients satisfaits, c’est UNE façon de présenter les faits. Une autre façon serait de parler de 20% de clients insatisfaits et tu vois tout de suite comment cela donne moins envie.

Les cadres de référence et la persuasion

Dans des contextes de persuasion, tu vas être confronté à 3 cadres de façon récurrente :

  • Le cadre de domination consistant à montrer de l’arrogance, un manque d’intérêt, un ton directif (typique dans une relation toxique). Alors continue ta lecture bordel !

  • Le cadre d’inaccessibilité consistant à se faire désirer, à faire monter le désir, à alterner chaud et froid (typique dans une relation de séduction). Si tu essaies de me contacter par mail, tu as intérêt à montrer ton engagement je réponds seulement aux plus motivés.

  • Le cadre de rareté consistant à jouer avec l’urgence (temps limité, quantité limitée) pour faire passer à l’action (typique dans une vente). D’ailleurs termine cet article avant ce soir minuit car il s’auto-détruira automatiquement.

Ces cadres sont extrêmement fréquents dans le marketing et la vente, dans la politique et bien entendu dans les rapports de séduction.

Kahneman et Tversky sont deux cherchent qui ont montré comment la même information est perçue différemment selon comment elle est présentée.

Un groupe d’étudiants doit choisir entre sauver 200 personnes sur 600 à coup sûr et 1 chance sur 3 de sauver les 600. Un autre groupe de participants se voit proposer le même choix mais avec une formulation différente (choisir entre laisser 400 personnes mourir ou 2 chances sur 3 de voir 600 personnes mourir). Quand il s’agit de « sauver » des humains, les participants prennent une attitude d’aversion au risque et choisissent la première solution (sauver 200 personnes) tandis que s’il s’agit de laisser « mourir » les gens, ils préfèrent avoir 1 chance sur 3 de les sauver toutes en prenant le risque de laisser 600 personnes mourir.

Ce type de biais cognitif est plus que connu dans les expériences de psychologie et prouve à chaque comment à quel point nous sommes irrationnels (même si nous clamons haut et fort ne pas l’être !)

Conscientiser les cadres de référence

Le cadre est complètement implicite, comme la respiration. Tu peux respirer des heures, des jours voire des années sans faire attention à ta respiration.

Un jour tu découvres la méditation et tu mets ton attention sur ta respiration. Alors tu conscientises l’inspiration, l’apnée, l’expiration. Tu constates l’amplitude, le rythme et ce qui l’entrave.

Pour le cadre c’est pareil : ce n’est pas parce qu’on n’en a pas conscience qu’il n’est pas là.

Un enfant obéit à son professeur sans conscientiser le cadre scolaire.

Tout l’enjeu est de rendre un cadre implicite explicite, quand cela a du sens.

Ca n’aurait pas forcément de sens avec des amis autour d’un bon repas de poser tout à coup “les gars, on est dans un cadre amical là.” (quoique pour discuter de ce sujet, pourquoi pas !).

Par contre, cela est pertinent quand on change de cadre au sein d’une même relation. Cela m’est arrivé à de multiples reprises quand un ami a souhaité que je l’accompagne et on cumule le “cadre amical” avec le “cadre accompagnement”.

Tout propos est à prendre dans son cadre de référence implicite. C’est un exercice intéressant que de conscientiser les cadres dans lesquels on est : en famille, au supermarché, chez des amis, au sport, dans une association, en formation…

Questionner le cadre c’est aussi constater ce que cela me fait ressentir.

Par exemple, le cadre thérapeutique d’un cabinet médical est fréquemment associé à la posture haute du médecin et à la posture basse du patient. La prochaine fois que tu seras dans cette situation, tu pourras ressentir dans ton corps ce que cadre provoque émotionnellement et physiquement. Conscientiser le cadre permet alors de sentir que ce n’est pas OK et permet un recadrage. En effet, dans cet exemple, la posture haute du médecin peut décourager le patient d’exprimer librement ses objections, ses craintes, ses doutes. Cela peut aussi le rassurer, le mettre inconsciemment en position d’enfant en recherche d’une figure paternelle.

Laissons à chacun le droit d’avoir son cadre !

Dans ma vie, j’ai souvent mené des expériences que j’ai mis dans mon cadre de référence et j’ai fait du prosélytisme pour persuader que mon cadre était le meilleur. J’ai fait ça avec des modes alimentaires, des sports, des courants de pensée… Jusqu’au jour où j’ai réalisé que le remède de l’un est le poison de l’autre et que JE NE SAIS PAS ce qui est bon pour l’autre.

La tentative d’imposer son cadre est un déni pur et simple d’altérité. Ainsi, il est beaucoup plus enrichissant de s’intéresser au cadre de l’autre plutôt que chercher à imposer le sien.

Tout groupe a un cadre de référence qu’il est intéressant de conscientiser. L’intelligence sociale et relationnelle aide à identifier ces différents cadres de référence pour éventuellement s’y adapter, les questionner voire les recadrer.

Beaucoup d’individus se retrouvent ainsi à la merci de cadres de référence qu’ils n’ont pas choisi et auxquels ils se plient car ce n’est pas conscientisé. Ils perdent leur centre et leur verticalité et se retrouvent à faire quelque chose qui n’est pas bon pour eux. C’est typique dans les processus de manipulation comme on a pu le voir entre 2020 et 2022.

Toute cette histoire de cadre est l’occasion de développer de multiples compétences comme l’analyse critique pour observer le bien-fondé des cadres autour de toi. C’est un apprentissage au même titre que la communication ou le piano. 

Ce type de compétences est transversal et impacte autant ta vie personnelle, que le travail, l’éducation et chaque relation que tu peux avoir, puisque toute relation implique un cadre de référence implicite.

Poser le cadre de référence : 2 exemples

Le cadre de référence est très important dans bien des domaines, que ce soit au travail dans diverses situations (avec les clients, avec les fournisseurs, ou avec la hiérarchie si tu es salarié), avec les enfants dans le contexte de l’éducation.

Poser le cadre, c’est s’assurer que nous partons sur les mêmes bases.

Je vais te partager des suggestions d’utilisation des cadres pour différentes situations de la vie de tous les jours.

Dans les accompagnements que je propose, je commence toujours par poser le cadre de référence pour préciser les attentes de la personne, s’accorder sur la durée de la session, par exemple.

Dans le travail, le cadre de référence a une grande importance dans la mesure où ça aide à donner des repères. 

Avec ma compagne, nous sommes tous deux entrepreneurs et travaillons à la maison. A force de s’interrompre pour un rien, nous avons appris à poser un cadre de concentration quand nous ne voulons pas être dérangés par l’autre.

La plupart des gens se laissent distraire car ils ne posent aucun cadre de référence. C’est un grand classique dans les open-spaces où n’importe qui peut te déranger et ça coupe toute concentration.

Pour en revenir à l’éducation des enfants, poser un cadre c’est aussi leur donner un environnement dans lequel ils peuvent évoluer.

C’est notamment important dans certains stades du développement où ils cherchent à repousser les limites car ils ont besoin de cette contenance.

Point important : le cadre de référence est proposé, jamais imposé. Dans une formation sur la communication, j’avais beaucoup aimé l’expression “Cadre haut, posture basse”.

En gros, être très solide sur ton cadre car il est ancré dans tes besoins et ce qui est important pour toi, mais il n’est pas imposé dans la mesure où tu laisses une porte de sortie à l’autre, sinon c’est de la tentative de soumission. Il y a toujours une question de validation pour confirmer que l’autre a bien compris et entendu le cadre de référence et qu’il est OK avec ça.

Il y a de nombreuses stratégies pour poser le cadre de référence. Pas besoin d’une formation en psychologie pour l’utiliser dans un groupe. Ca fluidifie la communication quelle que soit la situation et l’âge de les personnes. 

Même dans une situation d’apprentissage, pour une formation en groupe dans un centre de formation pour adultes par exemple, ou en milieu scolaire avec des cours pour des jeunes comme l’université, ça aide les apprenants à savoir où ils ont mis les pieds, comment va se dérouler le processus d’apprentissage, quel est le contenu, qui est l’intervenant…

Ce qui influence les cadres de référence

Evidemment, chaque personne a ses propres cadre de référence en fonction de multiples facteurs.

  • Ta personnalité : tu as un fonctionnement propre, des processus de pensée particuliers et une manière spécifique de regarder la réalité. C’est la façon dont tu es structuré et tu n’as que peu d’influence dessus.
  • Ta culture : la culture influence beaucoup nos cadres de référence, d’autant plus que c’est imprégné depuis la plus tendre enfance. En fonction de la culture, certains éléments prennent plus d’importance que d’autres.
  • Ton éducation : les enfants sont énormément influencés par leur environnement familial, social et scolaire, ce n’est pas un scoop. Chaque âge de la vie a son lot d’influences. 

Assouplir les cadres de référence

Le cadre psychologique agit comme un point de repère pour l’individu qui l’utilise. Certains profils de personnalité sont très à cheval sur le cadre car cela leur permet de se sentir en sécurité. C’est notamment le cas du type 6 ennéagramme qui a rarement conscience des cadres qui sont les siens. Pour autant, attention à ne pas tomber dans les dérives classiques de l’étiquetage, l’ennéagramme est bien plus que cela.

Autant le cadre est extrêmement précieux quand il est utilisé de façon pertinente : il peut être soutenant pour vivre des relations saines, pour l’éducation des enfants, pour le travail… Autant il peut devenir castrateur en s’enfermant dans un cadre rigide et indiscutable.

Le cadre a beau être un ensemble d’idées, de concept, il peut s’appliquer sur le plan physique concret. La frontière du pays en est un exemple. Des humains ont sorti du chapeau une délimitation arbitraire pour dire “ici c’est mon territoire.”

C’est ainsi qu’avec la notion de propriété il y a un “chez moi”. Ce “chez moi” est l’extension de ma propre personne, peut s’attribuer à des objets (mon téléphone, ma voiture) et même à des personnes (ma femme, mes enfants).

Plus tu es attaché à un cadre, plus tu es en réaction quand quelqu’un y touche. (c’est tout le problème de la transe d’identification).

Quand on se repose trop sur un cadre, on oublie vite qu’il s’agit de notre cadre et que les autre ont le leur. Cela peut aider à recontextualiser nos cadres et à observer les espaces de vide entre les cadres.

Par exemple, quand nous croisons quelqu’un dans la rue, il n’y a pas (encore) de cadre et tout devient possible. Il peut en découler une discussion cordiale, une future amitié, une indifférence totale ou même une agression.

Comme dit Alan Watts dans son excellent “éloge de l’insécurité”, la sécurité n’existe pas dans un monde chaotique. On peut rester dans nos cadres, jouer avec nos rituels, cela ne rend pas le monde plus sûr.

Dans un article comme celui-ci, le cadre classique est de conclure voire de résumer ce qui a été dit.

Je vais m’autoriser à ne pas conclure, à te laisser là-dessus et t’inviter à explorer ce que cette notion de cadre implique dans ta vie 🙂

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